Mali: Exactions présumées des FAMA sur des civils - La bombe littéraire du colonel Yaya Sangaré

Plus qu'un pavé dans la mare, c'est une véritable bombe littéraire que le colonel Yaya Sangaré a fait exploser samedi dernier. Ironie du sort, c'est dans une salle de l'Ecole de maintien de la paix à Bamako que la déflagration a eu lieu, éclaboussant un parterre d'illustres invités.

Parmi eux, des diplomates, des officiers et, surtout, des membres du gouvernement malien, dont le ministre d'Etat, ministre de l'Administration territoriale et de la Décentralisation, porte-parole du gouvernement, Abdoulaye Maïga.

Le comble, c'est que ce dernier était le parrain de la cérémonie de dédicace de la bombe littéraire que le colonel Yaya Sangaré a fait exploser aux yeux du monde et à la figure des autorités maliennes. En effet, elles y sont mises à l'index pour avoir couvert de présumées exactions sur des populations civiles qu'auraient commises les Forces armées maliennes (FAMA) dans la lutte contre le terrorisme. De fait, des paragraphes entiers du livre incriminé, « Mali, les défis du terrorisme en Afrique », passent pour des pamphlets contre les FAMA, accusées d'être à cheval sur les droits de l'homme dans leurs opérations de reconquête du territoire national.

Cette question n'est pas nouvelle. L'accusation est même récurrente depuis au moins 3 ans, malgré le démenti rédhibitoire du gouvernement et de la hiérarchie militaire malienne. Maintenant que c'est un officier supérieur des FAMA qui porte ces accusations embarrassantes, beaucoup d'observateurs pourraient y accorder du crédit, au nom de cet adage: «Quand un crapaud sort de la rivière pour dire que le crocodile a mal aux yeux, on est fondé à le croire ».

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Crapaud, anguille ou poisson-serpent, le colonel Yaya est d'une témérité d'hippopotame pour avoir osé mettre le pied, pardon, une patte balourde, dans le plat des impairs possibles de la lutte contre le terrorisme en Afrique et de la collaboration des FAMA avec le groupe Wagner. Quelle mouche à bien pu le piquer pour qu'il transgresse le droit de réserve qui s'impose à tout soldat, officier supérieur de surcroît ? On pourrait, à ce propos, paraphraser l'ancien ministre français Jean-Pierre Chévement en disant qu'un soldat, ça ferme sa gueule ou ça démissionne.

Le colonel Sangaré a préféré ruer dans les brancards, donnant de l'urticaire à sa hiérarchie.

On a pu ainsi lire 2 communiqués, le premier du ministère de la Défense et des Anciens Combattants ; le second de l'Administration territoriale, qui sur un ton courroucé, "regrettent", "dénoncent", " se désolidarisent" du contenu de l'ouvrage du colonel Sangaré. Critiqué pour avoir porté de « fausses accusations » contre l'armée malienne et de n'avoir pas « requis les autorisations statutaires » exigées d'un militaire avant la publication de son livre, l'officier écrivain « sera soumis à la réglementation en vigueur », selon le communiqué du ministère de la Défense.

Quelles sanctions prévoit cette réglementation ? Avertissement, blâme, traduction devant le conseil de guerre, radiation de l'armée ? On attend de voir, non sans signaler que dans l'entourage de la présidence malienne, il se murmure que le colonel Yaya Sangaré pourrait être emprisonné pour la publication de son dernier ouvrage.

Pourtant, il n'en est pas à son premier livre. Le projet de celui incriminé aurait été adressé au service compétent et l'auteur aurait reçu le soutien du président Assimi Goïta. Mais c'est une fois l'ouvrage publié que l'attention des autorités aurait été attirée sur les parties qui incriminent les FAMA dans les présumées exactions sur des civils.

Alors, le colonel Yaya Sangaré est-il allé vite en besogne, publiant sans autorisation son dernier livre ? Ou bien les services compétents, y compris celui du ministre parrain, ont trop tardé à lire attentivement cet ouvrage ? Et si ces 2 négligences se sont combinées en détonateur de cette bombe littéraire ?

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