MOGADISCIO, Somalie — « La nuit, j'avais très peur », raconte Nurto Abdi Osman, mère de deux enfants, à l'UNFPA, l'agence des Nations Unies en charge de la santé sexuelle et reproductive.
Mme Osman avait sept ans lorsqu'elle a été soumise à des mutilations génitales. Cette dangereuse intervention a provoqué chez elle des douleurs terribles qui ont duré des jours entiers, et une hémorragie qui a causé un évanouissement. Elle s'est ensuite aperçue que son orifice vaginal avait été obstrué.
« Les jours de mon mariage sont également des souvenirs douloureux », dit-elle. Son mari et elle ont eu du mal à avoir des rapports sexuels à cause de sa mutilation.
L'histoire de Mme Osman est malheureusement très courante en Somalie, où l'expérience des mutilations génitales féminines (MGF) est presque universelle. Le taux de prévalence de cette pratique est en effet de 99 % chez les femmes de 15 à 49 ans, ce qui reflète un ancrage profond dans la culture somalienne.
Selon une étude de l'UNFPA, les facteurs qui perpétuent cette pratique sont notamment des croyances selon lesquelles ces mutilations seraient exigées par la religion, permettraient d'éviter les rapports sexuels avant le mariage, ou seraient « sans danger » sous certaines formes. Bien qu'aucune de ces croyances ne soit fondée, trois femmes sur quatre en Somalie soutiennent le maintien de cette tradition.
Encourager les communautés à abandonner les mutilations génitales féminines exige de faire évoluer les normes sociales et de sensibiliser le public aux conséquences désastreuses voire mortelles de ces actes. Grâce à leur Programme conjoint pour l'élimination des mutilations génitales féminines, l'UNFPA et l'UNICEF soutiennent des activistes locales telles que Mme Osman afin de les aider à convaincre leur communauté de protéger les droits de leurs filles et de les préserver de la dangerosité de ces interventions.
« Les survivantes savent quels sont les obstacles à l'élimination des mutilations génitales féminines et ouvrent la voie, une famille, une communauté après l'autre », a déclaré la directrice exécutive de l'UNFPA, la Dr Natalia Kanem.
Plus jamais ça
Il peut s'avérer difficile de faire changer des coutumes culturelles très enracinées, mais ce n'est pas impossible. Amina, une accoucheuse traditionnelle de 48 ans, en est la preuve : elle pratiquait autrefois des mutilations génitales féminines mais s'est juré de ne plus jamais le faire.
Amina est devenue accoucheuse après que la praticienne de sa communauté est décédée, et que les habitant·e·s l'ont suppliée de prendre sa place. « Ma décision de reprendre son poste reposait sur la nécessité de préserver des traditions séculaires et les coutumes de nos ancêtres », explique-t-elle à l'UNFPA.
Elle-même survivante de MGF, Amina était persuadée que la religion l'exigeait... jusqu'à ce qu'elle participe à des formations et des discussions soutenues par l'UNFPA au sujet de ces pratiques, qui l'ont convaincue du contraire.
« J'étais estomaquée quand j'ai appris que ce que je prenais pour une bonne pratique, dictée par la religion, était en fait un acte abominable », précise Amina.
Les principaux moteurs responsables de la perpétuation des mutilations génitales féminines sont à la fois sociaux, culturels et économiques. L'argent gagné en pratiquant des MGF permettait par exemple à Amina de compléter le faible revenu généré par sa profession d'accoucheuse traditionnelle. Une étude a d'ailleurs montré que pendant la pandémie de COVID-19, les praticiennes faisaient du porte-à-porte afin de pratiquer les MGF, notamment à cause de la perte de revenus provoquée par les confinements et restrictions de déplacement.
Pour lutter contre cet aspect de la question, l'UNFPA aide les praticiennes à trouver des sources alternatives de revenus, ce qui pousse les personnes comme Amina à abandonner les MGF. Amina est profondément affectée par le fait d'avoir elle-même fait l'objet de mutilations génitales. « J'aurais aimé ne pas avoir à subir cette terrible épreuve », dit-elle. « Comprendre ses conséquences est ce qu'il y a de plus important. »
Des millions de personnes toujours menacées
Dans le monde entier, de très nombreuses communautés ont collectivement décidé de cesser de perpétuer les mutilations génitales féminines et de les abandonner une fois pour toutes.
Leur engagement est le reflet d'une tendance mondiale. Dans les 31 pays qui surveillent la prévalence de ces pratiques, la moitié des filles de 15 à 19 ans dans les années 1990 avaient subi des MGF, contre un tiers aujourd'hui.
Pourtant cette année, 12 000 femmes et filles du monde entier risqueront chaque jour d'être soumises à des mutilations génitales.
Les survivantes comme Mme Osman et Amina aident cependant à réduire les probabilités que ces femmes et filles soient contraintes d'en subir. « La voix de chaque survivante est un appel à l'action, et chacune des décisions qu'elles prennent pour reprendre le contrôle de leur vie contribue au mouvement international pour l'élimination de cette pratique néfaste », a souligné la Dr Natalia Kanem dans une déclaration conjointe.