Madagascar: Une île «à la croisée de plusieurs grands couloirs internationaux du trafic de drogue»

interview

À Madagascar et plus précisément à Tamatave, le 19 février, la brigade criminelle de la police nationale a saisi 64 kilos de cocaïne dans cette ville côtière de l'Est du pays. Fin 2021 déjà, 600 kilos de cocaïne y avaient été découverts. Madagascar est-elle devenue une plaque tournante du trafic de drogue ? Cette dernière saisie est en tout cas un signal de plus dans ce sens.

C'est dans l'entrepôt d'une société d'import-export, dans le quartier d'Androranga, à Tamatave, que la poudre blanche était stockée. À son arrivée, la brigade criminelle a trouvé dans un même conteneur des dizaines de sacs de cocaïne dissimulés aux côtés de sacs de sucre importés du Brésil. Une enquête a été instruite par le parquet d'Antananarivo. Trois suspects ont été arrêtés : le directeur général de la société d'import-export concernée et deux de ses employés, actuellement en détention provisoire à la maison de force de Tsiafahy au sud de la capitale.

Depuis la fin de la crise sanitaire et la réouverture des frontières, les trafics transnationaux ont repris. Madagascar a pris une place plus importante dans cette nouvelle configuration devenant une terre de transit de l'héroïne et de la cocaïne. La Grande Ile sert de relais entre les pays producteurs en Amérique du Sud et les pays consommateurs de l'Océan Indien, comme les Seychelles et l'Ile Maurice. Résultat, les saisies se multiplient ces dernières années mais selon une enquête de l'ONG Global Initiative qui lutte contre le crime organisé, la croissance du marché de la drogue à Madagascar reste largement favorisée par la complicité de hauts responsables de l'État.

%

Cette place croissante dans le marché, Madagascar la doit avant tout à sa position géographique puisqu'elle se situe juste au carrefour des routes mondiales de la drogue. C'est ce qu'explique Jason Eligh, chercheur à l'ONG Global Initiative, spécialisée dans le crime transnational organisé. Cet expert a mis en lumière l'émergence rapide de Madagascar dans ce système mondial de la drogue.

Pourquoi Madagascar est-il un pays si exposé aux flux de drogues qui transitent sur son sol ?

Ce qui est impressionnant, c'est l'emplacement de Madagascar, qui se trouve à la croisée de plusieurs grands couloirs internationaux du trafic de drogue, le long du Canal du Mozambique. Il y a donc de l'héroïne et de la méthamphétamine qui viennent tout droit d'Afghanistan. Ensuite, il y a la cocaïne qui transite d'Ouest en Est. Et dans tout ça, Madagascar, avec son port de Tamatave, se trouve dans la position idéale pour être un point de transit vers l'Asie de l'Est et au-delà.

Ce qui semble également favoriser la croissance du marché de la drogue dans le pays, c'est la longueur de ses 5 000 kilomètres de côte, encore très peu surveillés ?

En fait, la capacité des autorités portuaires à surveiller ce qui circule en mer et dans les ports, à travers les conteneurs, est extrêmement faible. Par exemple, le trafic de navire à navire est une pratique courante. Un bateau principal transporte la cocaïne ou l'héroïne puis, une fois en mer, de plus petits bateaux vont récupérer cette marchandise et la ramener à terre. L'absence de garde-côtes qui pourraient agir dans ce genre de circonstances laisse le champ libre aux trafiquants de drogue.

Est-ce que l'intensification des flux et des trafics de drogue dure, notamment de cocaïne, a développé un marché de consommation locale ?

La cocaïne est disponible à Madagascar, généralement consommée par les plus aisés. Je soupçonne qu'avec l'augmentation des contrôles dans les pays voisins, les flux de cocaïne s'intensifient en ce moment même à Madagascar. La situation deviendra inquiétante et l'approvisionnement durable, lorsque l'on commencera à voir apparaitre du crack dans les rues, c'est-à-dire la version la moins chère de la cocaïne. Je ne sais pas si c'est encore le cas, mais étant donné le volume en circulation dans la région, il y a un risque que cela arrive.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.