Ile Maurice: Le Nord pleure ses fils partis trop tôt

Ces six jeunes, âgés de 18 à 21 ans, avaient toute la vie devant eux. C'est tout joyeux qu'ils avaient pris la route dimanche pour se diriger vers Grand-Bassin et effectuer leur pèlerinage, sans savoir qu'ils avaient rendez-vous avec la mort avant d'avoir rejoint leur destination. Leurs familles, encore sous le choc, se remémorent cette terrible journée.

Le temps semble s'être figé à Triolet, dans la maison de la famille Mootia. Plus connu comme Nilesh, 19 ans, repense aux heures que son fils et ses amis ont consacrées à la fabrication de leur kanwar.

«Au cours des deux dernières semaines, il passait encore plus de temps avec eux. Il sortait le soir et ne rentrait que tard dans la nuit», se rappelle sa mère. «Hier soir (samedi), il est parti les rejoindre et n'est rentré qu'à 10 h 30 dimanche matin. Il m'avait dit qu'il devait sortir vers 7 h 30 pour assister à une prière.» Elle ajoute qu'elle l'a appelé à plusieurs reprises par la suite mais que ce n'est que vers 10 h 30 qu'il a décroché pour dire qu'il était non loin de la maison et qu'il s'apprêtait à rentrer.

À son arrivée, il lui a demandé de repasser ses vêtements, ce qu'elle a fait. «Après avoir pris son bain, il s'est habillé et est parti tout en continuant à parler à ses amis au téléphone. Il était prévu que l'un d'entre eux le récupère sur la route principale. Avant de partir, je lui ai demandé d'allumer une lampe pour que nous puissions faire une prière avec son père. Ce n'est qu'après ce rituel qu'il est parti. Je l'ai regardé partir jusqu'à ce que ses amis viennent le chercher en voiture.» Ensuite, elle n'a plus eu de ses nouvelles. «Mon autre fils, le benjamin de la famille, allait rejoindre un autre groupe pour se rendre à Grand-Bassin. Je l'ai accompagné jusqu'à la route principale et c'est à ce moment-là qu'un ami de Nilesh m'a appelée. Il m'a demandé si j'avais été informée de ce qui se passait. J'ai répondu que non, et il a raccroché. Quelques instants plus tard, il m'a rappelée pour me dire que le kanwar avait pris feu. Mais personne ne m'avait prévenue.»

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C'est à travers des bribes de phrases que Gopika Mootia commence à saisir ce qui s'est passé. «L'ami en question m'a rappelée pour me dire qu'il y avait eu six décès. Après avoir identifié mon garçon, il m'a téléphoné à nouveau pour me dire que Nilesh était gravement brûlé et m'a demandé de me rendre rapidement sur les lieux. J'ai alors contacté mon fils aîné, qui s'est rendu immédiatement sur place. Là-bas, on lui a appris que son frère faisait partie des victimes. Il s'apprêtait à se rendre à l'hôpital SSRN mais on lui a dit que le corps avait été transféré à l'hôpital Dr A.G. Jeetoo.» Elle raconte que son fils était employé par une compagnie de sécurité mais qu'il avait pris quelques jours de congé depuis le début de février pour la fête de Cavadee. Ensuite, il avait demandé une quinzaine de jours de congé supplémentaires en raison de la fête de Maha Shivaratri. «Quant au kanwar, les jeunes avaient décidé de le fabriquer tour à tour et dans différents endroits. Cette année, c'était au tour de Nilesh de le faire.»

Une autre famille est plongée dans la tristesse et c'est celle des Bhoojedhun. Deux de leurs membres font partie des disparus. En effet, Keshav Dhomun et Abhay Kumar Bhoojedhun étaient demi-frères. «Cela fait plus d'un mois et demi que les jeunes ont commencé à préparer le kanwar. Une équipe d'au moins 4 5 personnes y participait. Leur dévotion et leur amour étaient palpables lors de cette préparation», confie l'oncle de Keshav Dhomun. Ce dernier, âgé de 20 ans, résidait à Rivière-des-Galets chez sa mère et rendait visite à son père à Triolet de temps à autre. L'oncle de Keshav Dhomun, qui vit aussi dans le Sud, déclare que son neveu laisse un vide profond. Keshav Dhomun venait de terminer le Higher School Certificate et devait poursuivre des études à l'étranger. Il faut aussi savoir que c'était son premier pèlerinage avec le groupe du Nord. «Il était un exemple pour tous, toujours prêt à aider et était de nature enjouée.»

Un sentiment d'impuissance a envahi la maison des Seedoyal. Le jeune Koovalesh Seedoyal aussi connu comme Vedish, 20 ans, laisse une famille dévastée par le chagrin. Tous ceux qui l'ont connu le décrivent comme une personne engagée dans des causes qui lui tenaient à coeur. «C'est la première fois qu'il fabriquait le kanwar avec ses nouveaux amis. Et c'était surtout la première fois qu'il s'embarquait dans ce pèlerinage avec eux», confie Kishan, un proche. Il ajoute que la dernière fois qu'ils se sont vus, c'était dimanche, quelques heures avant qu'il ne parte retrouver ses amis. «Il était très pieux.» Cependant, ce proche affirme que ces jeunes avaient décidé de leur propre initiative de construire une structure aussi imposante. «Leur amour pour leur Dieu était immense...»

À Trou-aux-Biches Road, le temps semble s'être arrêté pour la famille de Paroumal Soobrayen aussi connu comme Avinen, 19 ans, et pour qui rien ne sera plus jamais comme avant. On apprend que ce jeune homme était passionné par l'hôtellerie et aspirait à y faire carrière en grimpant dans la hiérarchie jusqu'aux sommets. «En sus de poursuivre ses études, il travaillait à l'hôtel Lux de Grand-Gaube», raconte Barlen, son oncle. Celui-ci ajoute que Paroumal avait un profond attachement à la prière. «Cela fait quatre ans qu'il fait partie de ce groupe. À la fin du mois, il devait marcher sur le feu et avait déjà commencé à se préparer pour Cavadee. Il suivait les traces de sa mère, qui est très pieuse.» Son oncle révèle que le jeune homme n'avait pas bénéficié de congés pour Maha Shivaratri. «Il est sorti du travail dimanche et a immédiatement rejoint le groupe. Cela faisait à peine 15 minutes qu'il avait rejoint les marcheurs lorsque le drame s'est produit.»

Par ailleurs, la famille du plus jeune mort, Lavlesh Kumar Jugdhur, 18 ans, préfère ne pas s'exprimer, sa douleur étant trop intense. On sait seulement qu'il était le dernier d'une fratrie de trois enfants et que Morcellement St André le pleure.

Trois médecins légistes ont pratiqué les six autopsies

Les médecins légistes Sudesh Kumar Gungadin, Maxwell Monvoisin et Prem Chamane ont travaillé sans relâche afin d'effectuer l'examen post-mortem et indiquer les causes des décès. Leur rapport révèle que parmi les six jeunes décédés, quatre sont morts des suites de chocs causés par des brûlures extrêmes. Ils sont Vijaysingh Mootia, 19 ans, Keshav Dhomun, 20 ans, Lavlesh Kumar Jugdhur, 18 ans, et Abhay Kumar Bhoojedhun, 21 ans. Paroumal Soobrayen, 19 ans, et Koovalesh Seedoyal, 20 ans, ont, quant à eux, succombé à une électrocution. Cet exercice post-mortem a eu lieu à l'hôpital SSRN. L'incendie du kanwar dans lequel ces jeunes ont trouvé la mort a également fait 17 blessés.

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