Mali: Aucune nouvelle du colonel Sangaré qui a publié un livre critique sur l'armée

Une patrouille mixte de la force française Barkhane et des Fama, l'armée malienne, dans les rues de Ménaka (photo d'illustration).

Au Mali, toujours aucune nouvelle du colonel Alpha Yaya Sangaré. Ce militaire malien a publié le 2 mars un livre intitulé Mali : le défi du terrorisme en Afrique, dans lequel il citait un rapport de l'ONG de défense des droits humains Human Rights Watch accusant l'armée de graves exactions. Le même jour, il était arrêté chez lui. L'organisation Human Rights Watch, citée par le colonel Sangaré dans son ouvrage, s'inquiète de l'absence totale d'information sur sa situation.

Plusieurs ministres de transition avaient assisté au lancement du livre du colonel le 2 mars, avant que le gouvernement malien ne fasse brusquement volte-face. Ne se rendant compte qu'après coup, selon le communiqué officiel diffusé samedi, que le livre citait un rapport de l'ONG de défense des droits humains Human Rights Watch accusant l'armée de graves exactions. Le porte-parole du gouvernement de transition s'est finalement « désolidarisé » de la publication et a dénoncé de « fausses accusations ».

Cela fait maintenant trois jours sans aucune nouvelle du colonel Alpha Yaya Sangaré. « Nous avons été informés par une source crédible que le colonel a été pris chez lui et embarqué dans un véhicule banalisé par des hommes en civil, révèle IIlaria Alleggrozi, porte-parole de l'organisation Human Rights Watch. Depuis sa disparition, nous n'avons pas de nouvelles de lui. »

Une arrestation extra-judiciaire ?

Une manière de faire qui laisse penser à une arrestation extra-judiciaire par la sécurité d'État, les services maliens de renseignement. Le 2 mars, une source militaire justifiait auprès de RFI cette arrestation sans mandat, du fait du statut de militaire du colonel Alpha Yaya Sangaré.

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« Nous ne pouvons pas confirmer cela, explique encore Ilaria Allegrozzi, mais nous nous inquiétons de sa situation et nous appelons les autorités maliennes à révéler où il est détenu et à le remettre en liberté, s'il est détenu par les autorités ou les forces de sécurité. Il n'arrive pas tous les jours qu'un membre haut-gradé des forces de sécurité dénonce des violations [des droits humains, NDLR] par l'armée, mais le colonel Sangaré a fait preuve de courage en choisissant de ne pas rester silencieux. »

« Abus présumés »

Dans son livre Mali : le défi du terrorisme en Afrique, le colonel Alpha Yaya Sangaré « fait le bilan critique des dispositifs déjà mis en place au niveau national, régional et continental, et propose des pistes pour les améliorer et les rendre opérationnels », selon la présentation du livre proposée par son éditeur. Mais certaines pages ont déplu au pouvoir en place : le colonel Alpha Yaya Sangaré écrit notamment que « depuis 2016, les forces de défense et de sécurité (FDS) se sont livrées à des exactions à l'encontre de personnes accusées de faire partie de ces groupes terroristes. »

Ce militaire, lui-même fils de général et réputé proche - du moins avant cette affaire - du président de transition, le colonel Assimi Goïta, cite ensuite une enquête menée par Human Rights Watch rapportant des témoignages de torture lors d'interrogatoires. Le colonel Alpha Yaya Sangaré affirme que « ni la hiérarchie militaire, ni les autorités judiciaires n'ont procédé à des enquêtes sur ces abus présumés ». Ce que le gouvernement malien de transition dément dans son communiqué du 2 mars dernier, assurant que « les Fama s'illustrent bien par leur professionnalisme et leur humanisme » et que « l'institution judiciaire ne ménage aucun effort pour exécuter ses missions ».

Le communiqué du porte-parole du gouvernement assure également que le livre écrit par cet officier supérieur n'a pas respecté la procédure de validation normalement prévue. La veille, dans un communiqué distinct, le ministère de la Défense assurait que le colonel Alpha Yaya Sangaré serait « soumis à la règlementation en vigueur ».

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