Kinshasa — Il faut protéger les civils, respecter les libertés fondamentales, et donner la priorité à la justice et à l'obligation de rendre des comptes
Le Président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, devrait placer les droits humains au coeur de sa politique au cours de son deuxième mandat, a déclaré aujourd'hui Human Rights Watch dans une « Feuille de route pour les droits humains » pour son gouvernement.
Human Rights Watch a appelé le gouvernement Tshisekedi à donner la priorité aux améliorations dans cinq domaines clés : les droits à la liberté d'expression, à la liberté des médias et le droit de réunion pacifique ; la protection des civils dans les zones de conflit ; la réforme du système judiciaire et la lutte contre la corruption ; l'obligation de rendre des comptes pour les crimes graves ; et le renforcement des institutions démocratiques.
« Le premier mandat du président Tshisekedi s'est achevé sur une profonde incertitude marquée par l'aggravation de la violence et des crises humanitaires en RD Congo, les violations récurrentes des droits civils et politiques et une méfiance croissante à l'égard des institutions démocratiques », a déclaré Thomas Fessy, chercheur principal sur la République démocratique du Congo à Human Rights Watch. « Son deuxième mandat est l'occasion de repartir sur de nouvelles bases et d'inverser la tendance face à un recul important des droits humains. »
Tshisekedi, déclaré vainqueur de l'élection présidentielle de décembre 2023, a prêté serment le 20 janvier 2024 pour un deuxième et dernier mandat de cinq ans. Les élections ont été marquées par des problèmes logistiques, des irrégularités et des violences.
Tshisekedi est confronté à des défis importants, notamment à une recrudescence de la violence dans la province du Nord-Kivu dans l'est du pays, où une offensive menée par le M23, un groupe armé responsable d'exactions et soutenu par le Rwanda, a considérablement affecté les civils. La violence sévit également dans la province de l'Ituri où les milices ont multiplié les attaques et les tueries de civils. L'insécurité persiste à l'intérieur et autour de la province occidentale du Mai-Ndombe et entre les communautés dans la région du Katanga, dans le sud du pays.
Le gouvernement a également considérablement réprimé les droits à la liberté d'expression et à la liberté des médias, et le droit de réunion pacifique. Au cours des quatre dernières années, les autorités ont de plus en plus réprimé - y compris en ligne - les journalistes, les militants des droits humains et pro-démocratie, les personnes critiques à l'égard du gouvernement, ainsi que des membres et responsables de partis d'opposition. Les forces de sécurité ont à plusieurs reprises fait un usage inutile ou excessif de la force, y compris parfois meurtrière, pour empêcher ou disperser des manifestations pacifiques.
Tshisekedi a récemment qualifié le système judiciaire du pays de « malade ». Son gouvernement devrait agir pour réformer le système judiciaire et lutter contre la corruption, qui réduit considérablement la capacité du gouvernement à remplir ses obligations en vue de fournir une éducation, des soins de santé et une sécurité sociale de qualité.
L'impunité généralisée pour les graves exactions reste la norme. Le président devrait s'engager à prendre des mesures concrètes pour mettre fin aux cycles récurrents de violence alimentés par l'absence de responsabilité pénale pour les crimes graves. Des mesures concrètes sont également nécessaires pour restaurer la confiance du peuple congolais dans les institutions démocratiques.
« Le président Tshisekedi avait promis de lutter contre les violences récurrentes, de mettre fin à la répression et d'améliorer la vie quotidienne de tous les Congolais », a conclu Thomas Fessy. « Le président devrait consacrer son deuxième mandat à la réalisation de ces objectifs en oeuvrant en faveur, plutôt qu'à l'encontre, des droits humains, de l'État de droit et des principes démocratiques. »