Ile Maurice: Chaos et colère

La situation d'hier matin était chaotique. Les élèves et étudiants du primaire à l'université étaient déjà en route pour l'école lorsque le ministère de l'Éducation a émis un communiqué à 6 h 42, annonçant la fermeture de toutes les institutions éducatives de l'île en raison de l'avis de fortes pluies émis à 6 h 30 par la station météorologique de Vacoas. Pourtant, 45 minutes avant, à 5 h 45, la météo avait émis un avis de veille de fortes pluies malgré les fortes précipitations qui s'abattaient sur plusieurs régions du pays depuis très tôt le matin. À l'annonce de la fermeture des établissements, beaucoup étaient déjà en route, certains ayant même déjà pris l'autobus. Cette situation a provoqué une véritable panique parmi les élèves, les étudiants et les parents, certains devant faire demi-tour pour récupérer leurs enfants, tandis que d'autres, déjà dans le bus, ont dû effectuer le trajet retour sous une pluie battante.

Pourtant, depuis la veille dans la soirée, la station météo avait signalé des risques de fortes averses. Et en effet, dès 3 heures du matin, plusieurs parties de l'île connaissaient déjà de fortes pluies et des accumulations d'eau dans de nombreux endroits. À 4 heures, tous les parents étaient en alerte sur les réseaux sociaux pour savoir si les écoles seraient fermées. Contrairement aux épisodes précédents où les écoles sont restées fermées même lors des avis de veille de fortes pluies, alors qu'il faisait un temps radieux, hier aucune nouvelle de la météo, ni du ministère de l'Éducation n'est parvenue jusqu'à 5 h 45, moment où la météo a publié un communiqué maintenant l'avis de veille de fortes pluies, malgré les fortes averses. Quarante-cinq minutes plus tard, la météo est revenue sur ses prévisions et a émis un avis de fortes pluies, et le ministère est intervenu dans la foulée pour annoncer la fermeture des écoles. Les crèches également ont fermé.

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Beaucoup d'élèves étaient déjà à l'arrêt d'autobus quand la fermeture des écoles a été annoncée.

Cette situation problématique et ayant provoqué la colère des parents, aurait pu avoir des conséquences graves pour les élèves et les étudiants déjà en route, certains d'entre eux étant déjà trempés alors qu'ils attendaient à l'arrêt de bus. Il est important de souligner que de nombreux jeunes qui fréquentent les académies, souvent éloignées de leur domicile, doivent sortir plus tôt pour être à l'heure à l'école. À 6 h 30, ces jeunes sont déjà sur la route car il leur faut parfois plus d'une heure de trajet s'ils ne voyagent pas en bus scolaire. De plus, en cette période de pèlerinage, de nombreux élèves sortent plus tôt pour éviter les embouteillages car il leur arrive d'être bloqués une heure de plus.

Hier, la National Task Force avait demandé aux pèlerins de prendre toutes les précautions en route et de rester à l'abri. Il est ironique de constater qu'aucune décision n'a été prise avant 6 h 30, alors que plusieurs endroits étaient déjà inondés. Au ministère de l'Éducation, l'on se renvoie la balle, faisant comprendre que les décisions du ministère dépendent des communiqués de la station de Vacoas. Les scénarios répétitifs des prévisions météorologiques au fil des semaines exaspèrent, avec un système qui fait la pluie et le beau temps. Tantôt avis de fortes pluies, tantôt veille de fortes pluies. Souvent, le temps se révèle être moins boudeur qu'annoncé.

Cependant, hier matin, le temps s'est dégradé sur l'ensemble de l'île et le pays entier s'est réveillé avec une certaine appréhension quant à une catastrophe imminente. Mais la station de Vacoas a trouvé qu'elle n'avait pas enregistré suffisamment de pluviométrie pour émettre un avis de fortes pluies et donc, n'a émis aucun avertissement avant 6 h 30, bien qu'il pleuvait abondamment à travers l'île. Il importe de préciser que les autres jours, la météo pouvait émettre un avertissement à 4 heures du matin même si plusieurs régions étaient sèches. Par contre, le ciel s'est éclairci une fois que tous les jeunes étaient rentrés chez eux...

Le Doppler Weather Radar, installé à la station météorologique de Trou-aux-Cerfs depuis le 1eᣴ avril 2019, estil toujours opérationnel ? Cet appareil devait interpréter plus précisément les phénomènes météorologiques et climatiques. Nos prévisionnistes ont même eu l'occasion d'être formés par des experts japonais pour recueillir les données avec exactitude. Malgré les formations dispensées et l'utilisation d'un équipement de pointe, les prévisions semblent toujours manquer de précision.

Cela soulève des inquiétudes quant à la capacité du personnel météorologique à interpréter correctement les données et à émettre des alertes précises. La situation est aussi préoccupante étant donné les répercussions potentiellement graves de telles défaillances. Non seulement la sécurité des élèves est compromise, mais également celle de la population dans son ensemble. Les conséquences de ne pas agir rapidement et efficacement en réponse aux alertes météorologiques peuvent être catastrophiques, comme en témoignent les inondations et les dégâts matériels déjà observés dans plusieurs régions de l'île.

Congé forcé pour plusieurs parents

La fermeture inattendue des écoles à 6 h 30 a plongé de nombreux parents dans une situation complexe et difficile à gérer. Face à cette urgence d'organisation de dernière minute, de nombreux parents ont été contraints de prendre un jour de congé pour rester avec leurs enfants, créant ainsi un taux d'absentéisme plus élevé que d'habitude dans les secteurs public et privé. Dans le privé, certains parents ont eu la chance de pouvoir s'arranger pour travailler à domicile, tandis que d'autres ont dû prendre un congé.

Cette imprévisibilité a créé un véritable casse-tête pour de nombreux parents qui dépendent d'une organisation stable pour concilier leurs responsabilités professionnelles et familiales. Pour ceux qui avaient déposé leurs enfants à l'arrêt de bus avant de se rendre au travail, la fermeture soudaine des écoles a provoqué un revirement brusque. Ils ont dû faire demi-tour pour les récupérer, retardant ainsi leur arrivée au travail. «Il est essentiel de mettre en place des mécanismes de soutien et des politiques flexibles pour aider les parents à concilier leurs responsabilités familiales et professionnelles, tout en assurant le bon fonctionnement des entreprises et des organisations», insiste un parent.

Témoignages

Sylvana Carpen est très remontée. Elle s'est réveillée très tôt pour préparer son frère qui a pris le chemin de l'école à 6 h 25. «Nou dan lésid ek mo frer al lékol Curepipe. Plis ki 1-er tan vwayaz sa. Linn bizin rétourné ek larivier ti déza fini débordé», fustige-t-elle. Elle a dû revoir complètement sa journée pour s'assurer que son frère puisse rentrer à la maison sain et sauf. Même son de cloche du côté de Jenny. «Mo'nn fini lev mo zanfan dépi 6-zer. Sa pa agréab ditou. Kan mo get enn létan koumsa, mo zanfan ti kapav dormi ankor!» Fabiola Armance, quant à elle, a assisté impuissante à de tristes scènes où des enfants étaient trempés jusqu'aux os, sur la route, alors qu'elle se rendait au travail. «Ces enfants étaient munis de parapluies, mais ils ne les protégeaient pas beaucoup.»

Yann Jhugroo Cangy, étudiant à l'université de Maurice, raconte la folle course contre la montre qu'il a dû faire pour rentrer chez lui afin de pouvoir suivre les cours en ligne. «Je me suis réveillé à 5 heures pour me préparer. Je suis sorti à 6 h 15 pour prendre le bus express de Port-Louis à Grand-Gaube. Arrivé à Forbach, mon père m'a appelé pour me faire part de la nouvelle. J'ai vérifié sur Facebook pour confirmer. Mon frère, qui fréquente une école de Rose-Hill, et moi sommes alors descendus à l'arrêt le plus proche. Mon père a dû venir nous récupérer. Le comble est que le bus était quasiment rempli d'étudiants.» Jennifer Julie s'est, quant à elle, montrée plus prudente. «Moi, j'ai pris la décision de ne pas envoyer mes enfants à l'école avant même qu'ils n'annoncent la fermeture !» Gino Virassamy a lui aussi préféré prendre des précautions. «Mwa mo'nn pran mo prop désizion parski kan délo ranpli dan mo lakour - enn zafer ki mari rar malgré lapli tonbé souvan - bé zis sa sign lamem dir ki zafer la pé tom an abondans dépi 3-zer 4-er dimatin...»

Par ailleurs, les enseignants ont aussi eu à faire face à la décision tardive. Beaucoup d'entre eux étaient déjà en route, ou bloqués dans les embouteillages, et ont dû rebrousser chemin. «Mo bien amerdé. J'ai dû retourner à la maison. L'incompétence est partout», lâche une prof d'un collège de la capitale. C'est aussi le cas d'une enseignante d'une école internationale. «Je suis partie de Souillac à 6 h 15 pour aller à Cascavelle. Pour résumer le trajet : temps horrible, et précipitations avec des accumulations d'eau à Riambel, Rivière-des-Galets, Surinam, Bel-Ombre. En entendant la nouvelle, j'ai dû rebrousser chemin ; j'étais alors à Bel-Ombre. Ce n'est qu'à 8 heures que je suis rentrée...»

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