Maroc: A la coopérative Safirat Alkhazaf à Salé, on façonne l'argile avec l'art et la matière

Salé — Sur une étendue de terrain au détour d'une rue à Salé, se dresse une bâtisse discrète ressemblant à l'oeil nu à un établissement administratif. De fait, elle héberge un monde créatif d'ateliers de toutes disciplines artisanales, y compris celle de la poterie, loin de son fief habituel à l'Oulja, sur la rive slaouie de Bouregreg.

Dès l'entrée, le visiteur est accueilli par l'odeur de la terre humide qui donne un avant-goût de ce qui l'attend à l'intérieur de l'atelier de poterie Safirat Alkhazaf qui s'ouvre sur un large éventail de produits à base de terre cuite en phase de modelage, installés sur des plans de travail couverts d'argile et d'outils éparpillés.

A droite se trouve une large armoire d'exposition où repose une panoplie de produits finis : pots, tasses et sous-tasses, vases ou encore porte-colliers aux formes singulières. A gauche, des mains effleurent soigneusement les bords de ces artefacts, tandis que d'autres s'activent à décorer la base récemment cuite, à coups de pinceaux, aux couleurs vives ou terrestres.

Cette coopérative unique, nichée au coeur du Centre de formation et de qualification aux métiers de l'artisanat de Salé, a vu le jour il y a deux ans et demi, dans une vision d'encouragement des pratiquants de ce métier ancré dans la culture marocaine, notamment les femmes voulant forger un avenir durable pour leur communauté.

Se présentant comme artiste avant tout, Naima Idhammou, membre fondatrice de la coopérative Safirat Alkhazaf, retrace affectueusement son attachement à l'art de la poterie, dont elle-même a acquis les fondamentaux au sein d'un centre de formation.

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Mue par le désir d'offrir une opportunité de pratiquer ce métier aux femmes diplômées, Naïma en compagnie de ses trois associées a opté pour la création de la coopérative en aspirant à faire d'elles, comme l'indique son nom, de véritables ambassadrices de poterie au Maroc et ailleurs.

"L'idée est de faire partager cette activité qui me tient à coeur en offrant des formations certifiantes, mais aussi des séances à la carte pour amateurs afin de les initier à un art ancestral", explique-t-elle, sur fond du bruit rythmé des tours de potier.

Cette quadragénaire fait état d'une participation dynamique de jeunes aux ateliers de poterie, surtout la gente féminine qui représente la majorité des férus de poterie inscrits au centre. Un intérêt tant révélateur, selon elle, des liens indéfectibles que la femme entretient avec la terre depuis la nuit des temps, étant toutes les deux sources généreuses de vie et de subsistance.

Pour Ibtissame, une apprentie au début de sa première année de formation, l'aventure ne fait que commencer. "Ce penchant pour la poterie me vient tel une seconde nature, car je participe à des cours de théâtre et de dessin dans un institut dédié ici à Salé", a-t-elle fait savoir, un sourire radieux aux lèvres.

Se félicitant de l'esprit de soutien et d'entraide dont font preuve ses formatrices, cette jeune femme espère créer son propre projet pour vendre ses propres créations à base de terre.

Et parce que la charité bien ordonnée commence par soi-même, la coopérative a reçu, en amont des célébrations du 8 mars, une commande pour un lot de sous-tasses sous formes allégoriques de fleurs destinées aux femmes d'une entreprise de la capitale. Le lot était en cours de confection par les mains habiles des membres expérimentées de la coopérative.

Parmi ses mains se trouvent celles de Soukaina, jeune de 22 ans évoluant à la deuxième année de formation. Pour elle, la passion a commencé lorsqu'elle parcourait les ruelles des souks exposant des créations céramiques de haute qualité.

"J'éprouvais le désir de créer à tout prix des produits en argile de mes propres mains. Et puis, les choses ont pris une nouvelle tournure et j'ai pu me joindre à l'équipe de mes formatrices, pour commercialiser les produits, former d'autres filles et devenir autonome", a-t-elle confié à la MAP.

En plus de planifier des lots en gros ou en petites quantités de confections argileuses, sur commande d'entreprises ou d'associations, les formatrices n'oublient pas d'accompagner les artisanes en herbe vers leurs premiers tours de potier ou coups d'ébauchoirs.

"Avant de commencer les séances individuelles, plusieurs amatrices ne croient pas qu'elles pourront créer grand chose, et n'envisagent même pas qu'elles pourraient atteindre le stade de la cuisson, mais au bout d'une heure et demie elles finissent toutes par changer d'avis et insistent à décorer les petites créations à leur manière", se réjouit Naïma.

Et il y a de quoi. L'engouement des férus de poterie pour fréquenter cette coopérative ne se limite pas uniquement au besoin de s'initier aux bases du métier. Nombreux sont ceux qui y trouvent une occasion pour jubiler de sa propre création manuelle, tandis que d'autres y voient un moyen de se reconnecter à la terre en usant de tous leurs sens et en s'adonnant à une activité avec des bienfaits psychiques insoupçonnables.

En témoigne une étude du National Institutes of Health (Instituts américains de la santé) dont les conclusions révèlent que le moulage de l'argile peut être un moyen puissant d'aider les personnes à s'exprimer à travers une implication tactile au niveau somatique, ainsi que de la libération cathartique et la diminution des niveaux de cortisol, premier responsable du stress.

En créant des objets d'art uniques, les adeptes de la coopérative Safirat Alkhazaf, amateurs ou apprentis, touchent leur côté créatif et innovant pour donner lieu à des pièces décoratives ou à usage domestique.

"Grâce aux retours favorables et aux réseaux sociaux, nous avons pu faire découvrir notre passion pour ce savoir-faire traditionnel, et nous aspirons à soutenir davantage de jeunes femmes à modeler leur avenir en terre cuite", conclut Naima alors qu'elle s'apprêtait à accueillir le prochain groupe d'apprentis-potiers.

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