Afrique de l'Ouest: Les contradictions de la CEDEAO et la dangereuse exception togolaise

« ...Pourquoi la Commission de la CEDEAO garde-t-elle alors tout le silence sur le cas togolais et ne le condamne pas ? Pourquoi, le tollé général et la désapprobation massive que les partis politiques de l'opposition et les organisations de la société civile togolaise élèvent depuis des années contre les coups de force institutionnels, constitutionnels et électoraux au Togo ne retiennent pas l'attention de votre Commission ? Pourquoi la Commission de la CEDEAO s'intéresse-t-elle tant au Peuple sénégalais mais pas au Peuple togolais ? Pourquoi cette condamnation à géométrie variable ? Pourquoi cette justice de deux poids deux mesures ? Et alors, comment espère-t-elle parvenir à une réelle intégration sous-régionale ? Comment espère-t-elle opérer le passage de la CEDEAO des États à la CEDEAO des peuples ? Depuis 2005, ce sont ces questions que le Peuple togolais se pose et attend de votre part une réponse. »

Voilà un extrait de la lettre ouverte adressée par CODITOGO (Coalition de la Diaspora Togolaise pour l'alternance et la Démocratie) au président de la Commission de la CEDEAO. Comme beaucoup de Togolais, nos compatriotes, réunis au sein de cette coalition de la diaspora, se posent beaucoup de questions sur l'organisation sous-régionale qui, presqu'un demi-siècle après sa création, est très loin d'avoir été fidèle à ses objectifs, et moins encore de les avoir atteints. Le manque de démocratie et une corruption endémique dans la plupart des pays membres de la CEDEAO, ont fait en sorte que l'organisation sous-régionale, créée avec de bonnes intentions, est devenu un fourre-tout dominé par l'hypocrisie et par un manque chronique de volonté et de courage politique de la part de nos chefs d'état qui, quand ils se retrouvent, se comportent, la plupart du temps, comme des membres d'un club, d'un syndicat, qui ne sont là que pour leurs intérêts personnels.

La Conférence des Chefs d'État et de Gouvernement a adopté en juin 2007 la Vision 2020 de la CEDEAO, qui ambitionnait de créer une « région sans frontières, paisible, prospère et cohérente, bâtie sur la bonne gouvernance et où les populations ont la capacité d'accéder et d'exploiter les énormes ressources en créant des opportunités de développement durable et de préservation de l'environnement » Si en 2017 la CEDEAO avait encore ce besoin de faire adopter par les chefs d'état des pays membres une vision, avec pour ambition de créer une région sans frontières après plus de 40 ans d'existence, on a envie de se poser la question pour savoir ce que nos chefs d'état ont fait de tous ces sommets et conférences pendant quatre décennies.

Les populations des pays membres de la CEDEAO, quotidiennement en proie à des tracasseries frontalières, n'ont pas besoin de cours magistraux pour qu'on leur explique l'échec sur tous les plans de leur organisation sous-régionale, qui n'est toujours qu'une coquille vide, freinée dans son élan par la nonchalance, la mauvaise volonté politique, le manque de courage et l'incompétence des semi-démocrates, des démocrates, et des dictateurs sanguinaires, qui se retrouvent là pêle-mêle, sans vraiment savoir pour beaucoup, pourquoi ils y sont.

À propos dictateurs sanguinaires ! Pourquoi Faure Gnassingbé, qui devrait normalement, si nous étions dans une organisation qui se respecte, être sous le coup des sanctions pour mauvaise gouvernance et massives violations des droits de l'homme chez lui, est nommé médiateur de la CEDEAO au Sahel ? De quel passé de démocrate et surtout de quelle expérience dans la médiation peut se prévaloir le président de fait du Togo, incapable de résoudre les nombreux problèmes politiques domestiques, dont il est pour la plupart responsable ? Les responsables de la CEDEAO ont-ils déjà oublié les innombrables condamnations du Togo par la cour de justice de l'organisation sous-régionale pour violations des droits humains, enjoignant au régime de Faure Gnassingbé de libérer les prisonniers politiques, et à chaque fois ignorées par celui-ci ?

CODITOGO dans sa lettre ouverte au président de la Commission de la CEDEAO, n'a pas manqué de lui rappeler qu' au moment où la CEDEAO condamne les coups d'État militaires au Mali, au Burkina-Faso et au Niger, ainsi que le report sine die de l'élection présidentielle au Sénégal en violation de la Constitution de ce pays, le gouvernement du Togo est en train d'opérer un coup d'État institutionnel et électoral, avec des modifications unilatérales des lois électorales en violations du Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO du 21 décembre 2001 en son article 2 alinéa 1er qui énonce que : « Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d'une large majorité des acteurs politiques ».

« Pêle-mêle, le régime togolais est le berceau des coups d'État militaires ; le chantre des coups de forces constitutionnels, institutionnels et des hold-up électoraux ; le pionnier des troisièmes mandats ; l'inventeur et le promoteur de la truande idée de compteur à zéro. La principale curiosité est que le Togo est le seul pays de la sous-région ouest-africaine à n'avoir pas connu d'alternance politique au sommet de l'État. » Voilà comment nos compatriotes de la diaspora togolaise (CODITOGO) ne passent pas par quatre chemins pour mettre le président de la Commission de l'organisation sous-régionale devant ses responsabilités, en lui rappelant les faits d'armes de Faure Gnassingbé et de son régime dans le domaine de la mauvaise gouvernance et surtout dans le domaine de la contorsion unilatérale de la constitution et des lois électorales, dans le seul but de s'éterniser au pouvoir. La CEDEAO croit-elle atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés en rendant fréquentable un soi-disant président de la république, qui ne s'embarrasse d'aucun scrupule pour malmener son peuple ?

Nous pensons que tout ce qui se fait aujourd'hui dans la sous-région pour tenter d'aplanir le conflit né entre les trois pays du Sahel et le reste des pays de la communauté, n'est qu'une pagaille totale sans tête ni queue, qui ne profite qu'au président togolais, qui se prend pour le monsieur propre de la troupe, alors qu'il est le plus dangereux, pour son peuple d'abord, et ensuite pour la CEDEAO toute entière, que ses comportements égoïstes et hypocrites tirent chaque jour vers le bas. Les autres chefs d'état de la sous-région, du haut de leur âge, de leur expérience politique, ou de leur mérite, pour certains d'entre eux, d'avoir favorisé l'alternance dans leurs pays respectifs, ne voient-ils pas l'arnaque de Faure Gnassingbé, pour continuer à lui offrir une telle tribune qu'il ne mérite pas et qui révolte les Togolais ?

Cet étonnant traitement de faveur fait à Faure Gnassingbé, malgré les massives violations des droits humains dont il est responsable dans son pays, malgré son refus d'ouvrir franchement le jeu politique aux acteurs de l'opposition togolaise, malgré son refus de libérer les prisonniers politiques, montre à quel point la CEDEAO s'est disqualifiée, a perdu toute crédibilité, pour devenir un syndicat de chefs d'état sans respectabilité aucune. Héberger des prisonniers politiques chez soi depuis plusieurs années, dont une femme-nourrice, séparée de son bébé, qu'on refuse de libérer, assassiner des opposants politiques, ou les contraindre à l'exil, et prétendre jouer aux bons offices ailleurs pour sauver des vies humaines ou rendre la liberté à des prisonniers politiques, comme c'est le cas, par exemple, de l'ancien président nigérien Mohamed Bazoum et son fils, et accepté par une certaine CEDEAO, est tout simplement irresponsable, humainement, moralement et politiquement malhonnête.

Revenant à la situation politique togolaise proprement dite, nous ne pouvons passer sous silence ce qui s'est passé lundi 26 février 2024 au palais des congrès à Kara. En effet, pendant que le régime Gnassingbé, en bon régime de dictature qui se respecte, interdit aux partis de l'opposition de mener librement leurs activités, ceux qui ont le droit de vie et de mort sur les togolais ont organisé ce qu'ils ont appelé "le deuxième congrès statutaire" de leur regroupement. Écoles et collèges furent fermés, écoliers et élèves réquisitionnés pour la circonstance. Il ne manque plus désormais à UNIR que la formation des groupes d'animation pour parfaire la bêtise humaine.

Dans son discours, celui qui laisse commettre en toute impunité les violations des droits de l'homme et les détournements à ciel ouvert par son entourage, Faure Gnassingbé, n'a pas manqué d'insister sur la nostalgie qui était la sienne en voyant l'ambiance dans la salle au palais des congrès à Kara : il s'était tout simplement souvenu du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), ce parti des malheurs, dont l'évocation du nom est synonyme de frayeur chez les Togolais, comme d'ailleurs c'est le cas pour UNIR, après une décennie d'existence. Un clin d'oeil de Faure Gnassingbé à l'époque pure et dure du RPT qui interpelle et inquiète. Va-t-on à UNIR vers une abolition de la République ?

Voilà le visage du "grand médiateur" de la CEDEAO, incapable chez lui de se mettre au-dessus de la mêlée pour s'occuper des problèmes de tous les Togolais.

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