Ile Maurice: Ce qui a poussé Ken Arian à faire ses valises...

Si Ken Arian a démissionné du conseil d'administration d'Air Mauritius (MK), en revanche, à hier après-midi, il occupait toujours le poste de Chief Executive Officer* (CEO) d'Airport Holdings Ltd (AHL). Il est aussi membre du *board d'Airports of Mauritius Ltd et de Mauritius Duty Free Paradise. En fait, il aurait été prié de plier bagage, ou à faire ses valises, car il s'ingérait trop dans les affaires de MK. Ce qui va à l'encontre des principes de bonne gouvernance. Et ce qui rendait caduc le poste de CEO de MK.

Dans les couloirs de MK, il se chuchotait que quelque chose se tramait depuis quelques semaines déjà avec la mise à l'écart de Ken Arian de certaines fonctions. Son absence avait surtout été remarquée et diversement commentée lors du déplacement du Premier ministre à Agaléga, alors qu'il aime se faire voir aux côtés de ce dernier lors de ce genre d'événements médiatisés. Selon nos sources, Ken Arian, de même que son fidèle lieutenant Anba Manikham, auraient même été interdits d'accès au state lounge de l'aéroport lors du départ de Pravind Jugnauth. C'est dire...

Le tourisme aussi affecté

Les récents problèmes ayant touché MK mais aussi l'aéroport ont dû pousser les décideurs à demander à Ken Arian de laisser MK travailler tranquillement. Cela, alors que les élections sont «derrière la porte». Un de ses proches nous disait que selon Ken Arian, tous les maux de MK étaient dus au fait que la direction de la compagnie «ne l'écoutait pas, surtout le chairman Marday Venketasamy». Il semble que, fidèle à ses habitudes, Ken Arian ait fait passer ce message à plusieurs personnes : «On ne veut pas écouter mes conseils.» On nous rappelle que les retards, annulations, mauvais services, entre autres chez MK, ont non seulement affecté durablement l'image de notre compagnie d'aviation nationale mais aussi notre secteur du tourisme. Ce qui a mis au moins deux ministres en colère ; ceux-ci auraient alors réclamé et obtenu la tête de Ken Arian.

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Pour Raj Ramlugun, ancien manager et ex-syndicaliste chez MK, ce départ arrive un peu tard. «Les dégâts sont considérables», râle-t-il. «Il y a eu surtout une démotivation générale de la part des employés notamment face aux nominations, recrutements et promotions de certaines personnes.» D'ailleurs, Raj Ramlugun se demande pourquoi Ken Arian demeure CEO d'AHL, une entité financée à plus de Rs 25 milliards d'argent public et qui exige de la transparence. «Est-ce là un face-saving device ?» Il se pose d'autres questions. «Qu'adviendra-t-il de ses protégés chez MK, dont des syndicalistes qui obtenaient des faveurs pour eux ou pour leurs proches ? Le clan accapareur qui sapait l'autorité de la direction de MK, comme ce fut le cas avec Seetaramadoo, fonctionnera-t-il toujours avec Ken tirant les ficelles d'AHL ?» Il pense surtout au «manager Anba Manikham qui exécutait les ordres en symbiose avec Ken». Il remet en question encore une fois la mégastructure qu'est AHL et que dénonçait Rama Sithanen, qui avait déclaré qu'«on ne peut pas mélanger transport de passagers avec la vente de chocolat et de whisky»...

Raj Ramlugun se demande également si la structure avec AHL au sommet et plusieurs compagnies d'Etat en dessous subsistera. «C'est un véritable méli-mélo où l'on ne sait plus qui habille qui et qui déshabille qui. On ne connaît pas exactement les chiffres de MK.» Et que se passera-t-il «pour les nouveaux bureaux que Ken Arian voulait occuper à Ébène», s'interroge-t-il encore. Toutefois, Raj Ramlugun est d'avis que les ailes de Ken Arian ont été égratignées. Et pense que les employés de MK attendent avec impatience que le système Ken Arian soit éradiqué.

Un ex-pilote se montre plus sceptique. «Je ne sais pas trop s'il faut se réjouir du départ du fameux Ken Arian. Car avant que le bateau ne sombre, les rats quittent le navire... On l'a vu avec Dass Appadu et Arjoon Sudhoo. Il y a d'autres exemples. D'autre part, je ne vois pas le PM se désolidariser subitement de son poulain.» Pour un ancien directeur, le poste laissé vacant par Ken Arian doit être rempli le plus vite possible par le board d'AHL, quitte à ce que la nomination du remplaçant soit ratifiée par un annual general meeting ou un *extraordinary general meeting *au plus tard dans 3 mois. «AHL est l'unique actionnaire de MK. Comment peut-elle ne pas savoir ce qui s'y passe ? Le board d'AHL a-t-il autorisé le départ de Ken Arian ?» Il dit être au courant de la façon de faire de Ken Arian : quand tout va bien, il se met en avant, et quand ça coince, il opte pour le «pa mwa sa li sa». «Comment un ex-steward peut-il prétendre être plus expérimenté et plus intelligent que les membres du board et les managers qui sont tous des professionnels ?» De conclure : «Ken Arian a toujours rêvé de devenir le CEO de MK. Et même si ce poste lui a été refusé, il a toujours agi comme tel.»

Ken Arian a promis de revenir vers nous mais il ne l'avait toujours pas fait à l'heure où nous mettions sous presse. L'express publiera sa version dès qu'il nous l'enverra.

Megh Pillay : «situation aberrante»

L'ancien CEO de MK, Megh Pillay, a réagi à la démission de Ken Arian. «En claquant la porte, le CEO d'AHL crée une situation aberrante entre la compagnie mère Airport Holdings Ltd et sa filiale Air Mauritius Ltd. AHL étant aujourd'hui le seul actionnaire et propriétaire de MK, c'est du jamais-vu dans le monde des affaires», affirme-t-il.

C'est vrai, ajoute-t-il, «qu'une holding company ne gère pas ses filiales et ne participe pas à leurs opérations quotidiennes. Cependant, elle doit maintenir ses capacités de surveillance et superviser toutes les décisions de gestion et contrôler les policy décisions de ses filiales. Et, c'est là l'importance du rôle du CEO sur le board de MK»

Megh Pillay est d'avis que l'existence d'AHL ne sera pas menacée au cas où MK gère mal ses affaires et s'entraîne vers la faillite. Techniquement, elle peut vendre ses actions et continuer d'exister. Mais dans la pratique, elle en subira les conséquences si jamais elle finançait les investissements et les acquisitions par des obligations et autres instruments bancaires.

Pour la forme, selon lui, «un remplaçant de nom sera vite trouvé pour représenter AHL sur le board de MK, mais on voit mal son CEO lui-même, investi des pouvoirs discrétionnaires, ne participant pas aux délibérations du board de MK, l'instance suprême de sa plus grosse filiale en chiffres d'affaires».

MK étant aussi la plus importante constituante de l'écosystème aéroportuaire d'AHL, insiste l'ancien CEO, son efficacité opérationnelle et sa productivité globale dépendent de l'étroite collaboration et coopération des autres filiales d'AHL tels qu'AML, ARL, ATOL, Mauritius Duty Free Paradise, Jet Prime, et autres MEDCOR. «Cette situation risque de n'être guère brillante pour toutes les parties prenantes de l'industrie de voyage et du tourisme.»

Nouveau CEO : Charles Cartier a le vent en poupe

C'est l'ex-directeur d'Accenture Maurice, Charles Cartier qui est le favori pour remplacer Kresimir Kucko comme CEO d'Air Mauritius. Le conseil d'administration de MK se réunit aujourd'hui pour en décider. Les autres «candidats» à ce poste sont Laurent Recoura - qui avait d'ailleurs fait part de son intérêt pour ce poste qu'il occupe temporairement - Anoop Nilamber et Donald Payen. On sera fixé dans le courant de la journée.

Marday Venkatasamy : «Toutes les compagnies font face aux mêmes problèmes»

C'était lors de la visite àAgalégala semaine dernière.Interrogé sur les perturbations - surtout techniques -qui ont secoué MK ces dernières semaines, Marday Venkatasamy, chairman de la compagnie d'aviation nationale, a expliqué que tout découle de l'indisponibilité des pièces de rechange et des moteurs. «Il n'y a pas seulement Air Mauritius. 70 avions de la flotte d'Indigo, qui en compte 350, sont cloués au sol. Air Austral en a trois dans la même situation.» Le problème est d'autant plus particulierque les motoristes des avions sont très limités. «Les avions de type A350 et A330 dépendent de Rolls Royce. Les plus petits avions dépendent de Pratt & Whitney. Toutes les compagnies font face aux mêmes problèmes.»

Lorsqu'un avion est «grounded», cela perturbe toute la chaîne. L'exemple donné par MardayVenkatasamy est un appareilen panne à Mumbai. «Les vols de CapeTown, Madagascar, Delhi et La Réunion seront perturbés uniquement parce qu'un avion est indisponible. Personne ne peut se permettre d'avoir un ou deuxappareils 'spare' au cas où l'un tombe en panne...»

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