Dakar — Le champ d'application de la loi d'amnistie générale des faits commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, en lien avec des manifestations ou ayant des motivations politiques est une "prérogative dévolue au juge", a précisé la garde des Sceaux, ministre de la Justice.
Aissata Tall Sall a apporté cet éclaircissement lors de l'examen de ce projet par la commission des lois, de la décentralisation, du travail et des institutions de l'Assemblée nationale.
Selon le rapport de cette commission consulté par l'APS, la garde des Sceaux a expliqué que "la loi ne spécifie pas et n'indexe pas la personne qui va en bénéficier". "Ceci est une prérogative dévolue au juge", a-t-elle précisé.
Elle s'est appesantie sur les aspects fondamentaux de la loi, qui renvoient à son caractère général et impersonnel ainsi que son application "erga omnes" (d'application générale ou à l'égard de tous).
Ce qui signifie que toutes les manifestations marquées par des incidents de violences pendant cette temporalités sont concernées par l'amnistie, a-t-elle indiqué.
"Par contre, la qualification des faits de personnes qui ont commis d'autres crimes ou délits dans d'autres circonstances sont hors portée de cette loi", a-t-elle expliqué.
"La qualification des faits est du ressort exclusif du juge, qui est le seul habillé à décider si le fait poursuivi bénéficie ou pas d'une amnistie", a-t- elle ajouté.
La plénière devant examiner le projet de loi portant amnistie générale des faits commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, en lien avec des manifestations ou ayant des motivations politiques, a démarré mercredi à l'Assemblée nationale.
Ce projet de loi adopté mardi par la commission des lois, de la décentralisation, du travail et des droits humains de l'Assemblée nationale sera défendu par la garde des Sceaux, ministre de la Justice, Aïssata Tall Sall, au nom du gouvernement.
Le ministre du Travail, du Dialogue social et des Relations avec les institutions, Samba Sy, va également prendre part à cette séance plénière, aux côtés de sa collègue chargée du département de la Justice.
Macky Sall, dans un décret du 1er mars, a ordonné à la garde des Sceaux de présenter aux députés le projet de loi portant amnistie, qui vise notamment à apaiser le climat politique et social, selon le gouvernement.
Il vise également "le renforcement de la cohésion nationale et la consolidation du dialogue national, tout en permettant à certaines personnes qui ont eu maille à partir avec la justice de participer pleinement à la vie démocratique".
"Le projet de loi survient pour amnistier les infractions commises tant au Sénégal qu'à l'étranger et couvrant une période allant de 2021 à 2024 [...]. Il permettra à des personnes privées de leurs droits civiques et politiques d'être rétablies dans leurs droits", lit-on dans l'exposé des motifs du projet qui sera soumis aux députés.
Le texte affirme que "sont amnistiés, de plein droit, tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d'infraction criminelle ou correctionnelle, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu'à l'étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques, y compris celles faites par tous les supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non".
"L'amnistie entraîne, sans qu'elle ne puisse jamais donner lieu à restitution, la remise totale de toutes les peines principales, accessoires et complémentaires, ainsi que la disparition de toutes les déchéances, exclusions, incapacités et privations de droits attachés à la peine", lit-on dans le document.
De nombreuses voix se sont élevées au sein de l'opposition et de la société civile pour désapprouver cette initiative