Burkina Faso: Les Burkinabè partagés entre la gouvernance démocratique et le régime militaire

La majorité des citoyens se disent insatisfaits du fonctionnement de la démocratie dans le pays.

Key findings

  • La majorité des Burkinabè disent préférer la démocratie à toute autre forme de gouvernement (55%) et pensent que les dirigeants devraient être choisis à travers des élections (70%).
  • De larges majorités de citoyens rejettent la règle du parti unique (79%) et la dictature (68%).
  • Mais seulement 36% des citoyens burkinabè estiment que leur pays est « une pleine démocratie » ou « une démocratie avec des problèmes mineurs ». Près des deux tiers (65%) se disent insatisfaits du fonctionnement de la démocratie dans le pays.
  • Près de six Burkinabè sur 10 (59%) affirment que les partis politiques créent la division et la confusion et qu'il n'est donc pas nécessaire d'en avoir plusieurs au Burkina Faso.
  • Deux tiers des citoyens burkinabè soutiennent les gouvernements militaires (66%) et affirment qu'il est légitime que les forces armées prennent contrôle du pays dans le cas hypothétique où les leaders élus abusent de leur pouvoir pour leurs propres intérêts (66%).

Depuis son indépendance en 1960, le Burkina Faso connaît un balancement qui n'en finit pas entre d'une part les régimes autoritaires et les régimes démocratiques, et d'autre part entre les régimes constitutionnels et les régimes non-constitutionnels à dominante militaire.

Après une longue période d'instabilité amorcée avec la chute de la 3e République en 1980, le Burkina Faso a renoué avec l'ordre constitutionnel à travers l'adoption par référendum de la Constitution du 2 juin 1991 et la tenue d'élections plus ou moins concurrentielles en 1991- 1992. Mais le processus démocratique impulsé d'en haut a abouti à la mise en place d'un régime hybride, combinant à la fois des traits démocratiques formels et des traits autoritaires (Villalón & Idrissa, 2020 ; Loada, 2010).

Suite à l'insurrection populaire d'octobre 2014 déclenchée par le projet de révision constitutionnelle visant à supprimer la clause limitative du nombre de mandats présidentiels, un processus transitionnel dirigé par des militaires et des civils a été mis en place. Ce processus a abouti à l'organisation des élections présidentielles et législatives de novembre 2015, qui ont porté au pouvoir le Président Roch Marc Christian Kaboré et son parti. Mais ce nouveau régime constitutionnel a été vite débordé par une grave crise sécuritaire et humanitaire sans précédent. Le Président Kaboré, réélu pour un second mandat en 2020, est renversé le 24 janvier 2022 par un coup d'Etat militaire dirigé par le Lieutenant-Colonel Paul Henri Damiba. Ce dernier est à son tour renversé par un second putsch le 30 septembre 2022.

C'est dans ce contexte que les résultats de l'enquête Afrobarometer apportent un éclairage nouveau sur les préférences des Burkinabè en matière de gouvernance politique, plus particulièrement en ce qui concerne la gouvernance démocratique et l'intervention des militaires sur la scène politique.

Les Burkinabè sont divisés entre la démocratie et le régime militaire. La majorité d'entre eux préfèrent la démocratie à toute autre forme de gouvernement et rejettent la règle du parti unique et la dictature. Mais paradoxalement la majorité des citoyens sont également contre la nécessité d'avoir plusieurs partis politiques dans le pays, sont favorables au gouvernement militaire et trouvent légitime que l'armée prenne contrôle du pays dans le cas hypothétique où les leaders élus abusent de leur pouvoir au nom de leurs propres intérêts.

Seulement une minorité de citoyens burkinabè considèrent que leur pays est une démocratie en bon état, et une large majorité d'entre eux se disent ne pas être satisfaits de la manière dont la démocratie fonctionne dans le pays.

Augustin Loada Augustin Loada, professor of public law and political science, is the general coordinator of the Afrobarometer survey in Burkina Faso.

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