Sénégal: Processus électoral, en vue de la présidentielle 2024 - Le Conseil constitutionnel déchire le consensus du dialogue et prend date pour le 31 mars

Le Conseil constitutionnel a définitivement tranché la question de l'organisation de l'élection présidentielle initialement prévue le 25 février dernier dans deux décisions rendues publiques hier, mercredi 6 mars. Dans la première portant sur son avis sollicité par le chef de l'Etat, relativement aux conclusions du dialogue national, et la dernière sur les recours des 16 candidats du FC25, le Conseil a fait des observations. Il n'a relevé qu'un « consensus issu d'un dialogue postérieur à la décision arrêtant la liste définitive des candidats ne fait pas partie des causes de modification de cette liste, limitativement énumérées par les articles 29, alinéa 2, et 34, alinéa premier de la Constitution ».

Sous ce rapport, après avoir réaffirmé la poursuite du processus électoral avec les 19 candidats qu'il a retenus, il a ainsi fixé la date du 31 mars pour le premier tour de cette élection. Avant de prendre finalement acte de la décision du Chef de l'Etat d'envoyer les Sénégalais aux urnes le 24 Mars. Les 19 candidats ont donc moins de 21 jours pour convaincre.

Deuxième désaveu pour le président de la République, Macky Sall, dans sa volonté de reporter l'élection présidentielle initialement prévue le 25 février dernier au 2 juin prochain. Le Conseil constitutionnel qui statuait sur sa « lettre confidentielle n° 488/PR/SG du 4 mars 2024 » et dans laquelle, le président de la République demandait son avis sur les conclusions du dialogue national qu'il avait convoqué les 26 et 27 février derniers, lui a tout simplement adressé une fin de non-recevoir.

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Dans leur décision n° 60/B/2024 rendue le 5 mars dernier, les membres du Conseil constitutionnel ont renvoyé le chef de l'Etat à leurs précédentes décisions. Ils ont rappelé que la fixation de la date du scrutin au-delà de la durée du mandat du président de la République en exercice est contraire à la Constitution. Ensuite, ils ont réaffirmé que seuls les 19 candidats retenus par la décision n° 4/E/2024 du 20 février 2024 participent au scrutin. Et enfin que l'article 36, alinéa 2 de la Constitution n'est pas applicable au cas où l'élection n'a pas lieu avant la fin du mandat en cours.

Dans une deuxième décision rendue portant sur les recours introduits par les 16 candidats membres du Front des candidats de la présidentielle du 25 février (FC25), le Conseil constitutionnel est allé plus loin en se substituant au président de la République en retenant la date du 31 mars 2024 pour la tenue du scrutin en précisant que sa décision induit la convocation du corps électoral au Sénégal et à l'étranger, pour le scrutin à cette nouvelle date.

Toutefois le Conseil a finalement rejoint la date du 24 mars proposée par le chef de l'Etat, en tenant certainement du fait que le 31 mars correspond à la fête de Pâques. Game over. La partie est donc terminée. Le Conseil constitutionnel a par ailleurs souligné qu'en « cas de vacance de la fonction présidentielle, le Président de l'Assemblée nationale assure la suppléance jusqu'à l'installation du Président de la République qui sera élu au terme du processus électoral déjà̀ engagé». Le Conseil a également réaffirmé que le processus électoral va se « poursuivre dans les conditions fixées par la présente décision et les décisions antérieures susvisées ».

Pour rappel, dans sa lettre confidentielle, le chef de l'Etat invitait les membres du Conseil constitutionnel à donner leur avis sur : la date du 02 juin 2024 proposée par le dialogue national, le maintien des 19 candidats déjà validés, avec la réserve d'un nouvel examen des candidatures pour régler la question des éventuels cas de double nationalité et les corrections nécessaires pour les parrainages des candidats qui se considèrent lésés. Et sur l'accord consistant à l'application de l'alinéa 2 de l'article 36 de la Constitution stipulant que « le Président de la République en exercice reste en fonction jusqu'à l'installation de son successeur » pour assurer la continuité de l'Etat et la permanence institutionnelle».

Mais dans leur décision, les 7 sages ont réaffirmé que la date de l'élection du président de la République ne peut être reportée au-delà de la durée du mandat qui arrive à terme le 2 avril 2024. Et ce, en précisant qu'ils avaient invité les autorités compétentes à en fixer la date dans les meilleurs délais ; une expression qui selon eux « renvoie nécessairement à une date pouvant permettre la tenue du scrutin avant la fin du mandat ».

Loin de s'en tenir-là, le Conseil constitutionnel a également indiqué au sujet de la date de l'élection au 2 juin 2024, soit deux mois après l'expiration du mandat en cours qu'elle « n'est pas conforme à la Constitution et à la décision n° 1/C/2024 du 15 février 2024 » en ce sens, souligne-t-il, qu'elle « ne trouverait de base légale ni dans la loi électorale ni dans la décision n°1/C/2024 précitée ; que la reprise du processus électoral déjà engagé ne justifie pas un tel report ».

S'agissant de la proposition d'ouvrir la liste des candidats à Karim Wade, Mamadou Badio Camara, président du Conseil constitutionnel et ses six collègues ont commencé par faire remarquer à l'endroit du chef de l'Etat qu'un « consensus issu d'un dialogue postérieur à la décision arrêtant la liste définitive des candidats, ne fait pas partie des causes de modification de cette liste, limitativement énumérées par les articles 29, alinéa 2, et 34, alinéa premier de la Constitution ».

Qui plus est, les membres du Conseil constitutionnel toujours sur cette question de la liste des candidats ont aussi rappelé leurs décisions n° 2/E/2024 du 12 janvier 2024 et n° 4/E/2024 du 20 février 2024, en précisant « que ni la Constitution ni le Code électoral ne prévoient d'autres formes de détermination de la liste des candidats ». Mieux ajoutent-ils encore, « en vertu de l'article 92 de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucune voie de recours et s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. ».

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