Burkina Faso: Fabrication de l'engrais bio à Ouahigouya - Une activité rentable pour des femmes déplacées

De productrice d'oignons dans la commune de Barga, située dans le Yatenga, Salmata Ganamé est aujourd'hui à la tête d'une grande unité de production de compost à Ouahigouya. Malgré son statut de déplacée interne, elle a, à son actif, trois sites qui peuvent produire environ 300 tonnes d'engrais bio par cycle. Immersion dans cette activité qui nourrit 110 femmes vulnérables.

C'est à partir de 5h30 mn après la prière du matin que le travail commence chez Salmata Ganamé, la présidente de l'association des femmes déplacées internes, refugiées et hôtes de Ouahigouya. Le site de compostage, situé au quartier Oufré de Ouahigouya (secteur 11), leur a été attribué par la mairie. Non seulement la présidente supervise le travail des autres femmes, mais elle est aussi au four et au moulin pour la production de compost de qualité. Seau, brouette, pelle ou arrosoir à la main, chacune d'elles en cette matinée du 5 mars 2024 s'attèle à réussir sa tâche.

C'est ainsi tous les jours, sauf le dimanche qui est un jour de repos, nous informe dame Ganamé. L'histoire de cette entreprise commence en 2017 quand Salmata Ganamé décide de créer l'association avec 84 femmes de 11 villages de la commune de Barga. « L'objectif est de fabriquer du compost pour la maraicher culture, surtout la production de l'oignon pour mieux le conserver afin de pouvoir vendre en temps voulu », explique-t-elle. Malheureusement, l'insécurité met fin à cette activité et elle se retrouve à Ouahigouya avec 17 autres membres de l'association en 2020. « Nous n'avions rien pour vivre.

Nous étions obligées de faire du porte à porte pour chercher du travail. C'est en ce moment que j'ai réuni les autres femmes et nous sommes allées demander un lopin de terre à un bon samaritain qui a bien voulu nous le donner. Ainsi, nous avons commencé notre activité dans notre premier site », confie la présidente de l'association. Petit à petit, le produit est apprécié et les commandes commencent à « pleuvoir » de partout.

D'un site, ces femmes productrices de compost sont à trois sites aujourd'hui avec une capacité de production de 200 à 300 tonnes par cycle. Mais, elles n'arrivent pas à satisfaire tous les clients, car la demande est forte. « Il nous arrive de refuser des commandes, car on ne pourra pas satisfaire le client », laisse-t-elle entendre.

De l'engrais bio disponible

Le compostage s'obtient à partir des matières premières comme la bouse de vache, les fientes de volaille, de la cendre, du charbon, des feuilles mortes, des herbes avec de l'eau. « Le soir, le mélange est fait avec de l'eau et déposé. Le lendemain, on commence la disposition du mélange dans les fosses, une première couche jusqu'à trois couches. On met un bois au milieu pour contrôler la température et on referme le tout avec du plastique. Chaque 15 jours, on fait le retournement pendant 45 jours et le compost est prêt.

On le tamise et le conditionne dans des sacs de 50kg », détaille-t-elle. Le mélange est mis dans des fosses construites ou des fosses en tas. Les fosses construites ont une dimension de 3m/ 3m avec une profondeur de 1,5m. De l'avis de Mme Ganamé, pour ce qui est des fosses en tas, les dimensions dépendent de la quantité de la matière première. Sinon, le processus est pareil. « Cependant, dans les fosses construites on constate que le compostage est plus rapide que dans les fosses en tas », affirme-t-elle.

Le sac se vend à 8500 F CFA. « Le produit est vraiment prisé et actuellement on a une commande de 510 tonnes. On est débordé, car notre produit s'arrache comme de petits pains sur le marché », renchérit la présidente, l'air enthousiasmé. Le chiffre d'affaires annuel de cette entreprise s'élève à environ 25 millions F CFA. Tout cela se fait avec l'appui-conseil et le suivi des techniciens de la direction régionale du Nord en charge de l'agriculture.

Un produit riche pour les plantes

Pour le client, Zakaria Ouédraogo, leur fumure organique est de qualité. « J'aime l'utiliser dans mon jardin », confirme-t-il. Il produit de la pomme de terre et des choux. « Aussi, le sac est moins cher que l'engrais chimique. En sus, la tendance aujourd'hui est à la production des légumes et des tubercules bio. Car, on a constaté que l'engrais chimique appauvrit le sol, pourtant le compost, lui l'enrichit au contraire », nous confie-t-il. A

entendre le technicien supérieur de l'agriculture de la direction régionale du Nord, Boukary Belem, les recherches montrent que l'utilisation du compost permet d'augmenter la teneur en matière organique dans le sol. Ce qui facilite une meilleure rétention de l'eau et un taux d'infiltration plus élevé. Il stimule également l'activité microbienne des sols amendés. Le compost réduit la pression des maladies du sol, car les micro-organismes jouent un rôle très important en fournissant des nutriments aux plantes, mais aussi en agissant contre les maladies du sol. Enfin, il améliore la disponibilité des nutriments, car certains des éléments nutritifs contenus dans le compost sont immédiatement disponibles pour les plantes.

Un gagne-pain pour les femmes

Mariam Ouédraogo est une déplacée interne venue de Karma. Veuve, elle a à sa charge 19 personnes. Heureusement pour elle, la présidente de l'association est une de ses parentes à elle. Donc, vu sa situation, elle a été intégrée facilement dans l'entreprise. Après quelques jours d'apprentissage, elle maitrise aujourd'hui les techniques du compostage. Grâce à cette activité, elle perçoit un salaire mensuel qui lui permet de subvenir aux besoins de sa famille. « Je dois payer un loyer, la scolarité des enfants. N'eut été cette activité, je ne saurais pas quoi faire pour m'en sortir », indique dame Ouédraogo. Et, Mariam Banda d'attester que cette activité leur est très bénéfique.

Présente depuis le début de l'entreprise en 2020, Mme Banda trouve son salut en cette activité parce qu'elle permet d'améliorer les conditions de vie des femmes déplacées internes. « La preuve, la présidente peut parfois payer les céréales pour nous et à la fin du mois, elle prélève sur notre salaire. J'ai 7 enfants à ma charge. Grâce à cela, j'arrive à payer leur scolarité », soutient-t-elle. Aux dires de la présidente, toutes ces femmes qui travaillent sur les trois sites perçoivent au moins 50 000 F CFA comme salaire mensuel. Mais cela augmente en fonction de leur performance.

« Le but pour moi est de pouvoir accompagner ces femmes vulnérables à prendre soin de leur famille dans ce contexte d'insécurité et de déplacement massif des populations. Chaque jour, des femmes viennent pour adhérer à l'association. Mais la capacité financière est limitée et aujourd'hui, nous sommes à 110 femmes dont 60 veuves », confirme-t-elle. En plus du compostage, ces femmes cultivent de l'oignon sur un espace de 0,5 ha. Mais force est de constater que la fabrication du compost rencontre quelques difficultés.

Il s'agit de l'insuffisance d'eau sur les différents sites, du matériel de travail, du manque de hangars pour protéger les fosses du soleil et d'un besoin de camion pour la collecte de la matière première. Ces femmes bravent ces difficultés pour produire un compost de qualité qui respecte les normes édictées. « Nous faisons régulièrement des prélèvements qui sont envoyés à Ouagadougou pour analyse », précise Salmata Ganamé.

Son souhait est d'alléger le travail des femmes en ayant du matériel de pointe afin de réduire le temps de travail. Pour ce faire, l'association a besoin d'un fonds de roulement de plus de 10 millions F CFA. Mais, le manque de garantie fait que l'association ne peut avoir que 5 millions F CFA de crédit. Pourtant, elle a de grosses commandes qu'elle ne peut pas honorer. Le cri du coeur de la présidente est d'élargir leur assiette de crédit afin qu'elles puissent augmenter leur production vue que la demande est forte.

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