Fuyant près de 30 ans de violences à l'est de la RDC, de nombreux Congolais prennent la route de l'exil et vont notamment en Ouganda voisin, qui est favorable à l'accueil des réfugiés. Chaque semaine, de nouveaux venus du Congo arrivent à Nakivale, l'un des plus grands et plus anciens camps du pays. Mais si des organisations humanitaires sont sur le terrain pour venir en aide, les budgets sont difficiles à boucler. L'aide alimentaire a été revue à la baisse, impactant la nutrition.
Au coeur de Nakivale, le secteur de Juru a vu s'installer beaucoup de nouveaux réfugiés ces derniers mois. Et comme ceux déjà installés depuis longtemps, pour Jean-Didier, Sébastien et Simon, c'est le même constat : la vie est particulièrement difficile.
« Nous n'avons pas à manger », dit l'un d'eux. « Nous sommes ici, mais la vie est tellement difficile. On n'a pas de vivres puisqu'on n'a pas de champs à cultiver », enchaîne un autre. « Quand vous manquez de nourriture, quand vous manquez d'eau, de tout ça, vous manquez aussi de sécurité dans votre tête. »
Jean-Didier s'inquiète surtout pour sa femme, enceinte de son premier enfant qui doit naitre dans les prochains jours : cans ce campement, ce sont les plus jeunes qui sont les plus touchés par la malnutrition, notamment les enfants de moins de 5 ans. Actuellement, 40 % de ceux qui vivent à Nakivale sont victimes de malnutrition. Avec des conséquences dramatiques sur leur développement.
Une inquiétude partagée par le docteur Justin Okello, responsable d'un centre de santé : « Le cerveau humain grandit énormément durant les 1 000 premiers jours d'une vie. Et tout ce qui va mal se passer aura des conséquences. L'enfant aura des difficultés à devenir un élève studieux, un adulte productif qui contribue au développement. Il y aura donc des conséquences sur la communauté, sur l'enfant et sa famille ».
Avec la persistance des conflits au Soudan et en RDC, les humanitaires de Nakivale redoutent de devoir réduire une nouvelle fois l'aide alimentaire.
Le PAM se voit obligé de catégoriser les réfugiés pour la distribution d'aide
Face à cette pénurie d'aide, certains grands acteurs humanitaires ont même dû prendre des décisions radicales et modifier leur approche de l'aide. C'est le cas du Programme alimentaire mondial (PAM), de l'ONU.
En 2023, selon les chiffres des acteurs sur le terrain, seulement 35% des besoins humanitaires pour les réfugiés en Ouganda ont été financés : impossible dans ces conditions de maintenir la totalité de l'aide alimentaire pour toutes les personnes concernées, soit 1,6 million dans le pays.
Le PAM a donc changé son approche pour prioriser cette assistance. Tous les réfugiés n'y ont plus accès, ils ont été classés en trois catégories. La première doit pouvoir désormais subvenir seule à ses besoins : ce sont en général les réfugiés qui sont installés depuis longtemps en Ouganda, qui ont monté des commerces ou se sont lancés dans l'agriculture. Le deuxième groupe continue lui à percevoir une partie de l'aide, mais elle est réduite.
La totalité de l'assistance a toutefois été en principe maintenue pour les plus vulnérables : femmes seules, personnes handicapées, ou pour les nouveaux arrivés. Mais cela n'est qu'en principe, puisque les fonds disponibles ne le permettent pas actuellement : ils reçoivent 60% de la somme initialement prévue, soit environ 6 dollars par mois et par personne.
« Nous voyons tous les jours des réfugiés qui tombent malades »
Réfugié depuis plus d'une dizaine d'années à Nakivale, Yannick Fariala est aujourd'hui relai communautaire dans le camp et s'inquiète de l'insécurité alimentaire et de ses conséquences sur les communautés.