Le mois de mars à Madagascar est chaque année rythmé par les commémorations de l'insurrection de mars 1947. Une date charnière dans l'histoire de la Grande Île, puisque les révoltes initiées lors de ce mois marquent un tournant dans le rapport de domination exercé par le pouvoir colonial français. Seulement, aussi nombreuses soient-elles, les études sur cette période de l'histoire malagasy ont toutes en commun d'avoir négligé le rôle joué par les femmes. Un aspect « oublié » qu'une historienne s'est mise en tête de réparer.
Lorsque la chercheuse en histoire Shannaëlle Armanaly commence à s'intéresser au rôle des femmes lors de l'insurrection de mars 1947, son enseignant lui répond que « la femme à Madagascar n'a pas du tout participé aux événements de 1947 ». Une réponse qui ne satisfait pas la chercheuse. En quelques semaines, elle découvre alors une multitude de documents qui font mention de noms de femmes, pour la plupart totalement inconnues aujourd'hui : Rakrisy Ramarovoa, Henriette Ravelomanantsoa, Marthe Razafiarisoa, Augustine Razafindrasoary, Henriette Vita, Delphine Todihana, les filles du roi Tanala Manambola...
« Les documents d'archives que j'ai trouvés par la suite nous montrent bien qu'en plus de Mme Gisèle Rabesahala qui était déjà très connue en tant que militante, il y a bien d'autres femmes qui restent dans l'angle mort du sujet, explique la chercheuse. Je pense qu'en tant qu'historien, on a le devoir de mettre en lumière le travail de tous les acteurs d'un événement historique. C'est un devoir de mémoire de traiter de la problématique de la femme en 1947. »
Plus « que des noms dans des listes »
Celles dans les campagnes auraient également participé, notamment en créant des canaux de communication clandestins. « Elles faisaient passer les messages entre les différents insurgés dans les différents villages. Leur participation est indéniable et a été vitale pour le bon déroulement de cette révolte-là », insiste Shannaëlle Armanaly. Des insurgées qui ont écopé de peines de prison, qui ont été torturées, voire qui ont été éliminées. Mais « contrairement aux hommes, elles ne sont aujourd'hui que des noms dans des listes » déplore-t-elle.
L'historienne souhaite exhumer ces combats et ces récits, à l'instar de celui de Zèle Rasoanoro. « C'était une journaliste qui assistait Mme Gisèle Rabesahala dans ses travaux, au cours de ses cercles de discussions. Elle a été emprisonnée de 1948 à 1950. On ne sait pas grand-chose, si ce n'est qu'elle était "prisonnière politique". On retiendra surtout qu'en 1950, quelques mois après sa sortie de prison, nous n'avons plus de traces d'elle. Elle a disparu des radars. » Selon la chercheuse, il s'agit d'un destin sur lequel enquêter pour proposer à la population une vision plus complète des figures qui ont oeuvré pour l'indépendance de Madagascar.