A peine la date de la présidentielle au Tchad, est-elle connue, que les candidats commencent à sortir du bois. En effet, après la candidature du président de la Transition Mahamat Idriss Déby, c'est au tour du Premier ministre, Succès Masra, d'annoncer qu'il briguera la magistrature suprême. Il a répondu favorablement à son parti, Les Transformateurs, qui l'a investi candidat le 10 mars dernier à N'Djemena. « Je réponds présent comme candidat à l'élection présidentielle (...) pour réparer les coeurs et réunir le peuple », a-t-il déclaré.
S'il est vrai que juridiquement, rien n'interdit à Succès Masra de se porter candidat à la présidentielle du 6 mai prochain, force est de reconnaître que c'est l'une des rares fois dans l'histoire du Tchad, que l'on verra un président sortant et candidat à sa propre succession et son Premier ministre s'affronter dans les urnes. En tout cas, de là à voir une mise en scène savamment orchestrée, c'est un pas que d'aucuns ont vite fait de franchir. C'est le cas de l'opposition tchadienne qui, sitôt après l'annonce de la candidature de Succès Masra, a dénoncé « une candidature prétexte » destinée à donner un semblant de pluralité à un scrutin dont le vainqueur est connu d'avance. Et elle n'a pas tort.
Déby fils travaille à légitimer sa victoire programmée en suscitant des candidatures fantoches
Car, on voit mal comment Succès Masra qui est rentré d'exil dans les conditions que l'on sait, et qui a battu campagne en faveur du « oui » au référendum qui a ouvert la voie à la candidature de Déby fils, peut oser tailler des croupières à celui qui passe pour être désormais son mentor. En fait, tout se passe comme si, après avoir réussi à écarter l'opposant Yaya Dillo, qui ne comptait pas pour du beurre, Déby fils, conscient qu'il s'est ouvert un boulevard, travaille à légitimer sa victoire programmée en suscitant des candidatures fantoches dont celle de son Premier ministre Succès Masra dont le retournement de veste, faut-il le rappeler, a déçu bien de ses compatriotes qui croyaient en lui.
Le hic est qu'en pareille situation où le président et son Premier ministre sont en lice pour la présidentielle, on risque d'assister à une véritable débauche de moyens de l'Etat au grand dam des Tchadiens qui tirent le diable par la queue. Ainsi va la vie au Tchad où la minorité au pouvoir s'adonne à tous les excès pendant que la majorité peine à s'offrir un seul repas par jour. Malheureusement, ce n'est pas demain la veille, que prendront fin de tels errements.