Audacieuse, elle et n'a pas peur d'utiliser sa voix pour défendre ses droits. À première vue, en marchant le long de la surface bétonnée où elle opère parmi la cinquantaine de marchands au Ruisseau du Pouce dans la capitale, on pourrait croire qu'elle est timide, effacée. Mais Housna Alamgir n'est pas de celles qui se laissent faire...
Cette habitante de Camp Chapelon, Pailles, mariée et mère de trois filles, s'occupe également de son neveu et de ses deux nièces qui résident sous le même toit, avec le soutien de son époux et de son frère. Enfant, elle a fréquenté une école à Bell-Village. Après avoir terminé son parcours scolaire, elle s'est mariée en 1997, à l'âge de 27 ans. À 29 ans, alors qu'elle est enceinte de son premier enfant, Housna Alamgir décide de commencer à travailler à la rue La Poudrière dans la capitale comme marchande ambulante afin de pouvoir acquérir sa propre indépendance financière et d'être mieux à même, en tant que parent, de contribuer aux revenus de la famille et de prendre soin de l'enfant qu'elle s'apprête à mettre au monde.
«J'ai commencé par vendre des jouets. Au fil des ans, j'ai connu des hauts et des bas. J'ai eu des moments où j'ai fait des ventes et où j'ai animé les rues de la capitale lors de diverses initiatives, comme le festival 24/7 ou Porlwi by Light. Et puis, il y a eu des moments où pendant une semaine ou deux, je n'ai presque rien vendu, mo rant lacaz lamé vid, mes enfants allant à l'école. Mais j'ai persévéré», dit-elle, rappelant que *«la valeur unique de la capitale réside dans le contact humain et l'ambiance, ainsi que dans l'accessibilité des produits pour la classe ouvrière qu'offrent les marchands. Marsan ki fer porlwi vinn séki li été. Sans eux, ce n'est qu'une autre ville bétonnée, sans vie». Avec l'arrivée de nouvelles règles urbaines, Housna Alamgir s'est relocalisée au Ruisseau du Pouce, opérant sur la surface bétonnée depuis 13 ans. «Nous ne sommes plus des marchands 'ambulants' qui, selon les autorités, nuisent aux gens, mais des commerçants qui travaillent en toute légalité.»
Pour pouvoir occuper son étal, cette dame âgée de 54 ans reverse un loyer mensuel à la mairie de Port-Louis. «J'ai su fidéliser ma clientèle ici. Qui comprend des personnes travaillant dans des bureaux à proximité. Pendant la pandémie, c'était difficile. Mais maintenant, c'est reparti. Les ventes me rapportent des revenus convenables. En 13 ans, même dans de mauvaises conditions météorologiques, sauf lorsque les autorités ont interrompu les activités dans le pays pour des raisons de sécurité, je n'ai jamais manqué un seul jour de travail. Je défends ma dignité et j'ai pu transmettre des valeurs à mes trois filles : en tant que femmes, rien n'est impossible. Je leur ai donné les moyens d'être éduquées et indépendantes afin qu'elles puissent gagner leur vie, sans avoir à quémander quoi que ce soit», nous dit Housna Alamgir, avec détermination et conviction, la certitude se ressentant dans sa voix au fur et à mesure qu'elle parle.
Elle fait certes partie des simples citoyennes dont la parole ne fait pas la une des journaux. Mais Housna Alamgir n'hésite pas à prendre les devants pour dire la vérité et dénoncer les injustices. Nous avions fait sa connaissance la semaine dernière, alors que nous étions au Ruisseau du Pouce pour notre reportage, lorsque la municipalité de Port-Louis avait - malgré un sursis accordé par la Cour suprême concernant la relocalisation des marchands jusqu'à ce que leur affaire soit entendue par le tribunal - ordonné la démolition forcée de leurs étals pour les relocaliser au Victoria Urban Terminal et que des policiers de la Tornado Squad les avaient menacés.
Housna Alamgir a été l'une des premières femmes à s'exprimer avec éloquence sur ces faits. «Si nous, les marchands, bann ti dimounn, nous pouvons respecter la loi, il est stupéfiant que ceux qui sont au pouvoir ne puissent pas le faire.» Et ce, sans la moindre crainte visible sur son visage. D'ailleurs, même les autres marchands du Ruisseau du Pouce nous disaient avec fierté : «Koz ek Housna, li pa per pu kozé li, li pou dir ou la vérité.» Calme et sereine, mais ferme dans son discours, elle est la preuve même de la femme émancipée.Par la suite, la municipalité a été contrainte de faire marche arrière le vendredi 29 février, après une mise en demeure servie par l'avocat représentant les marchands.
«Dieu me donne le courage de travailler avec sincérité. Madam bizin for. N'abandonnez jamais. Nous pouvons travailler dans un monde encore malheureusement dirigé par des hommes et réussir, tout en rentrant à la maison pour nous occuper de nos enfants. Nous avons une voix, nous devons l'utiliser pour dire notre vérité et montrer la voie aux autres. Sinon, nous resterons tous dans l'obscurité. Nous ne pouvons pas attendre que d'autres viennent nous sauver.»