L'Église catholique a fortement contribué à la formation des élites de Madagascar, en particulier à Diego-Suarez. Implantée vers la fin du XIXe siècle, elle a pris racine, gagne le coeur des différentes couches sociales dans cette partie septentrionale.
Au début, elle s'engageait dans le domaine professionnel. De ce fait, les autochtones ont été initiés à diverses activités notamment, la coupe et la couture, la pâtisserie et la charpenterie. Reconnaissant, les parents formés par les clergés, envoient par la suite leurs enfants pour que ces derniers accèdent à une bonne éducation. En 1951, l'institution Saint-Joseph est construite. Cet établissement joue un rôle prépondérant dans la formation des élites de la ville du Varatraza. Ainsi les géniteurs y inscrivent leurs progénitures. Réputée pour sa discipline, ils sont rassurés car leurs descendants sont entre de bonnes mains. À l'enseignement de qualité, s'ajoute l'éducation chrétienne, donc les élèves ont non seulement la capacité de développer leur faculté intellectuelle, mais ont aussi le sens de la moralité. En outre, ce qui caractérise cette institution, c'est son inclusivité.
Le « vivre ensemble ».
Les responsables de l'époque, conscients de la forte présence cosmopolite de la ville, ont tout de même accepté la diversité. Ainsi, Yéménites, Comoriens, Djiboutiens ainsi que les Somaliens se retrouvent sur les mêmes bancs. Par conséquent, le grand bâtiment des frères Maristes est devenu une référence, voire une école prestigieuse. Effectivement, les cultures se partagent naturellement dans l'enceinte. Hormis les festivités chrétiennes qui sont déclarées comme jours fériés, les élèves de confession catholique apprennent de leurs condisciples mahométans les célébrations musulmanes en l'occurrence le ramadan, l'Aïd durant lesquelles ces seconds partagent des friandises et des confiseries. C'est de cette façon que la ville du Pain de sucre a su ériger une cohabitation paisible, une identité à part.
D'un curriculum scolaire à une carrière politique
Certes, les établissements scolaires existants de Diego-Suarez ont abrité différents groupes humains entre ses murs en inculquant une éducation basée sur l'ouverture. Mais l'institution Saint-Joseph a dessiné autrement le dessein de ses élèves. Par conséquent, ses produits, si l'on peut dire ainsi, ont pris compte de la mixité culturelle de la ville d'Antsiranana. L'héritage demeure. Dans ce cas, un réseau s'est formé involontairement entre les anciens apprentis.
Les expériences acquises durant leur parcours dans la « sainte-école » leur serviront d'atout, et leur permettront d'accéder à la tête de l'administration de la ville. Autrement dit, ils vont contrôler le périmètre lors des élections municipales et législatives. La notion des moeurs, des coutumes de chaque communauté est un élément incontestable pour gagner le coeur des électeurs. Bien entendu, ces élites ont instrumentalisé à leur avantage les savoirs reçus. Dorénavant, les disciples de Saint-Lô d'autrefois brandissent le fanion de l'institution pour accéder au pouvoir.
Entre la fin des années 1970 et 2000, les sièges importants de l'administration ont été occupés par des ex-écoliers ISJA. En revanche, une fois à la cime de leur espérance, ces élites expriment leurs profondes gratitudes en soutenant de près ou de loin « la base ». Ils parrainent les activités parascolaires, assistent à des messes organisées par les enseignants. Présents à la cérémonie, ces hauts responsables encouragent les benjamins à travailler dur à l'école afin de pouvoir suivre leurs pas. L'institution Saint-Joseph Antsiranana est plus qu'une école qui a façonné des centaines de milliers de jeunes, c'est un patrimoine témoin du passé et continue toujours sa noble mission.