Burkina Faso: Institution d'une journée des coutumes et des traditions - Une juste réhabilitation de nos valeurs ancestrales

Le Conseil de ministres, en sa séance du 6 mars dernier, a adopté un décret portant institution de la Journée des coutumes et traditions au Burkina Faso.

L'objectif, selon l'Exécutif burkinabè, est de permettre à la religion traditionnelle de retrouver sa place dans la société et pour ce faire, la journée du 15-Mai a été arrêtée et sera désormais fériée. Cette initiative du gouvernement est véritablement à saluer. Et pour cause. D'abord, dans la forme, l'institution de cette journée dite des coutumes et des traditions, vient corriger une iniquité.

Car, le calendrier officiel des fêtes légales et jours fériés accordent aux religions importées un minimum de 3 jours chômés et payés alors que les religions traditionnelles étaient jusque-là ignorées. Or, comme on le sait, les Burkinabè sont à 60% musulmans, 30% chrétiens et 100% animistes. Ce n'est donc que justice. Dans le fond, la mesure gouvernementale est aussi digne de laudation. En effet, elle participe à la réaffirmation de notre identité culturelle qui s'effritait avec tout ce que cela comportait comme déperdition de nos valeurs avec pour stade suprême l'effritement de la cohésion et du vivre-ensemble.

Elle vient surtout reconnaitre la place aux détenteurs de nos traditions qui constituent de véritables navettes pour notre tissu social. Enfin, cette décision gouvernementale tient son importance du fait qu'elle peut être lue comme une nouvelle alliance qui lie les générations actuelles du Burkina Faso aux générations passées (les ancêtres) et les engage à inscrire leurs actions quotidiennes dans la continuité.

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Il faut baliser le terrain pour éviter les dérapages dangereux

Cela dit, l'on peut se poser des questions quant au contenu de cette Journée des coutumes et des traditions au Burkina Faso, en raison de la diversité des expressions coutumières et traditionnelles et de leur nature qui s'accommode mal d'une formalisation dans le cadre d'un calendrier moderne. A titre illustratif, certaines traditions ne peuvent se faire que dans des périodes bien définies de l'année où ne peuvent se faire qu'en présence d'une catégorie d'initiés ou encore sont même incompatibles avec certaines autres.

Il faut donc éviter une vraie cacophonie qui, finalement, pourrait nuire à l'ambition très noble de sauvegarde et de promotion de nos valeurs traditionnelles et coutumières. L'autre revers que l'on peut craindre est que cette Journée des coutumes traditions et ne vire au folklore avec pour effet la désacralisation de certaines de nos pratiques coutumières. Il faut aussi craindre, avec l'institution de cette Journée, l'émergence d'une race de charlatans pour escroquer les gens de bonne foi comme on en voit déjà sur les réseaux sociaux.

Tout cela mérite donc d'être encadré et il faut, avec les détenteurs des traditions, baliser le terrain pour éviter les dérapages dangereux. Mais l'on convient que l'on ne peut pas attendre de lever toutes les inquiétudes avant de formaliser cette Journée dont l'importance est unanimement reconnue. En attendant de voir la toute première édition de cette Journée nationale, l'on peut déjà songer à partager les bonnes pratiques même si en la matière, ce qui est vérité ailleurs ne l'est pas forcement partout.

On sait, par exemple, que dans le Sud-Ouest, les détenteurs des traditions ont été un instrument efficace de lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Dans un contexte où le premier besoin des Burkinabè est le retour de la paix et de la sécurité, ne faut-il pas explorer les chemins tracés par les coutumiers du Sud-Ouest ? C'est en cela que les Burkinabè, même les plus sceptiques, pourraient se reconnaitre dans leurs valeurs qui trouvent des solutions à leurs problèmes existentiels.

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