Au Niger, sur décision du pouvoir militaire, les dépenses liées à la Défense seront désormais tenues secrètes et ne feront l'objet d'aucun contrôle.
Un décret du pouvoir militaire abroge la loi portant sur les dépenses liées au ministère de la Défense. Ce décret porte un coup dur à la lutte contre la corruption, selon plusieurs organisations de la société civile.
Les Nigériens n'ont pourtant pas oublié l'affaire dite du "MDN Gate", le scandale du ministère de la Défense nigérien, où plus de 78 milliards de francs CFA ont été détournés à l'occasion de la signature de contrats d'achats d'armes.
Or, voilà qu'un décret du chef de l'Etat, le général Abdourahamne Tchiani, vient abroger la loi sur le contrôle des dépenses liées à la Défense.
Risque de corruption
Pour Ibrahim Bana, porte-parole du Front patriotique pour la souveraineté, principal soutien du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), l'organe militaire au pouvoir au Niger, "c'est un recul extrêmement grave dans la lutte pour la bonne gouvernance, dans la lutte contre la corruption et les infractions assimilées, parce que cette ordonnance met fin à toute possibilité d'exercer un contrôle a priori et même a posteriori des dépenses (militaires). Aujourd'hui, cette ordonnance vient porter un coup plus dur encore. Cela est un coup dur pour la transparence et la bonne gouvernance".
La soustraction des dépenses du ministère de la Défense du champ de contrôle est très préoccupante, estime un autre acteur de la société, défenseur de la bonne gouvernance. Souley Oumarou, le président du Forum citoyen pour la République, y voit "une porte ouverte aujourd'hui à la gabegie, à la mauvaise gouvernance et au détournement puisque dorénavant, à travers ce décret, les dépenses effectuées au ministère de la Défense seront faites dans l'obscurité totale".
Un manque de transparence jugé dangereux
L'Association nigérienne de lutte contre la corruption condamne la signature de ce décret par le chef de l'Etat et demande son annulation définitive car, selon lui, si cela passe, ce sera plus dangereux que le scandale du MDN Gate.
Mamane Wada, président de l'association, estime que le Niger "va tout droit dans nouveau MDN Gate avec plus de dangerosité, avec plus de tentacules et le sacre de l'impunité. Des milliards des fonds publics du budget national vont aller dans les poches des gens. Nous pensons que c'est comme si on disait aux gens de prendre l'argent public, de le dépenser comme il le veulent et que et rien ne va se passer. Nous trouvons que c'est très grave, c'est un véritable recul de la gouvernance et il y a lieu de renoncer, d'annuler cette ordonnance".
Des organisations de la société civile ont rappelé que la condition de leur soutien au pouvoir militaire est le traitement des dossiers de mauvaise gestion qui remontent aux anciens gouvernements. Mais avec ce nouveau décret, leur combat semble voué à l'échec.