Mali: Au pays, le conflit a des conséquences dramatiques pour les femmes enceintes, qui vivent dans une insécurité grandissante

RÉGION DE MOPTI, Mali — « De nombreuses femmes viennent accoucher ici en dernier recours », raconte Kadiatou Karembé, sage-femme à l'hôpital Sominé Dolo de Sévaré, dans la région de Mopti, dans le centre du Mali. « Parfois, elles passent la nuit sur les routes à cause de l'insécurité, alors qu'elles sont en situation d'urgence. »

Les régions du centre et du nord du Mali sont depuis plusieurs années ravagées par une violence et une insécurité grandissantes. Des groupes terroristes ont pris le contrôle de nombreux villages isolés et de territoires plus larges, ce qui a provoqué des déplacements de masse et instillé la peur dans les communautés.

La force de maintien de la paix de l'ONU, la MINUSMA, s'est retirée du pays fin 2023, mais aujourd'hui une personne sur trois a besoin de protection et d'une aide humanitaire d'urgence. Pour beaucoup, le trajet qui les sépare de l'accouchement est extrêmement risqué.

« Les femmes sont orientées ici depuis les hôpitaux communautaires de zones isolées », explique Mme Karembé à l'UNFPA, l'agence des Nations Unies en charge de la santé sexuelle et reproductive. « Une femme nous a été adressée pour des convulsions liées à une éclampsie, mais a été retenue sur le trajet... elle est morte. »

Le taux de mortalité maternelle au Mali se situerait entre 325 décès pour 100 000 naissances vivantes selon des estimations datant de 2018, et 440 pour 100 000 selon des estimations des Nations Unies publiées en 2023 - soit jusqu'à 35 fois plus que dans les pays développés. L'accès aux services de santé maternelle, notamment aux soins obstétricaux et néonatals d'urgence, est presque impossible, en particulier pour les personnes des zones affectées par le conflit et celles qui sont déplacées. Les structures de santé sont rares, et celles qui existent sont souvent pillées ou manquent de personnel, car la plupart des agent·e·s de santé sont désormais aussi en situation de déplacement.

« Les gens ont beaucoup de mal à accéder à l'hôpital », déplore Felix Diarra, directeur de l'hôpital Sominé Dolo. « Une famille avait prévu trois jours pour faire la route jusqu'ici, mais n'est jamais arrivée. Nous avons des ambulances pour transporter les personnes des zones isolées, mais dans les zones de crise, elles ont été volées... Cette crise affecte aussi l'économie, mais à l'hôpital, nous aidons tout le monde, quoi qu'il arrive. »

Combler les lacunes dans les soins de santé

Grâce à un financement du Danemark, l'UNFPA a fourni à la maternité de l'hôpital Sominé Dolo du matériel pour les accouchements, une table d'opération, un appareil de réanimation et un échographe. Cela a permis aux équipes médicales d'assurer quelque 2 250 naissances à l'hôpital en 2023, soit environ 187 accouchements par mois.

Aissata Touré, 16 ans, était enceinte de son premier enfant. « J'ai eu mal à l'estomac pendant des jours entiers », raconte-t-elle. « Finalement, un·e agent·e de santé de mon village m'a dit qu'il était impossible que j'accouche sur place. On m'a suggéré de venir à l'hôpital ici, mais le trajet a été très difficile et très inconfortable. »

Elle a parcouru près de 170 km depuis son domicile à Ngouma pour rejoindre l'hôpital, avec l'aide de membres de sa famille. « C'était terrifiant », se souvient son oncle, Abdoulaye Bocoum. « Si la famille n'avait pas pu payer la location d'une voiture, elle n'aurait pas pu arriver jusqu'ici. Il n'y a pas de transport là où vit ma nièce, et aucune aide disponible, car les services sociaux essentiels se sont effondrés. »

Matériel, service et soutien en pleine crise

HELP, partenaire de l'UNFPA, déploie des équipes de santé mobile dans les zones rurales de Mopti afin de fournir aux femmes et aux filles des services essentiels ; en cas d'urgence, il propose aussi un transport vers les centres de santé. Les équipes distribuent par ailleurs des kits de santé reproductive aux établissements de santé de tous les districts, permettant entre autres d'assurer des accouchements sécurisés et la prise en charge clinique des cas de viol.

« Notre plus grande difficulté, c'est de nous occuper des personnes blessées au cours d'attaques, des femmes et des enfants en particulier », poursuit M. Diarra depuis l'hôpital. « En 2022, nous avons eu 460 blessé·e·s de guerre, et 480 en 2023. »

Fatoumata Dienta, 25 ans, a dû faire un choix extrêmement difficile entre la violence dans son village de Dena, ou bien un trajet long et incertain de plus de trois heures jusqu'à un camp pour personnes déplacées. « Un soir, des terroristes ont fait irruption et nous ont ordonné de partir dès le lendemain », explique-t-elle. « Nous n'avions aucun moyen de transport... J'étais enceinte de deux mois et je suis tombée malade. »

Elle a fini par accoucher en toute sécurité dans un centre de santé communautaire, mais de nombreuses femmes et filles vivent toujours dans des conditions très dangereuses, entassées dans des sites pour personnes déplacées dans les villes voisines de Barigondaga et de Socoura.

Afin de répondre à leurs besoins, l'UNFPA distribue des produits de santé maternelle et reproductive et soutient une équipe mobile de sages-femmes et de personnel infirmier d'un centre de santé de Socoura. Elle propose planification familiale, consultations pré et postnatales, et orientation pour les cas d'urgences obstétricales. Les membres de l'équipe fournissent également une assistance psychosociale pour prendre en charge le traumatisme que constitue le déplacement forcé et la violence grave qui l'accompagne souvent.

L'UNFPA a également soutenu le recrutement et la formation de plus de 50 sages-femmes dans la région de Mopti en 2023, et la rénovation de 12 maternités rurales. Huit équipes mobiles ont été déployées dans les districts de Bandiagara, Djenné, Koro et Mopti, ce qui a permis de faire bénéficier plus de 4 000 femmes de services de santé maternelle. Onze moto-ambulances ont aussi été fournies aux maternités rurales grâce à des financements du Canada et de l'Italie.

À l'hôpital Sominé Dolo, Mme Karembé reste déterminée à aider les femmes de sa communauté. « Depuis que je suis petite, j'aime l'idée de travailler comme sage-femme », précise-t-elle. « Le manque d'équipement et d'électricité rend mon travail très difficile, mais je suis fière de pouvoir sauver des mères et des enfants. »

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