Au centre communautaire de Wemtenga, situé dans un quartier de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, des femmes réfugiées arrivent les unes après les autres.
Certaines viennent à vélo, d'autres à moto, et d'autres encore à pied, avec des enfants sur le dos. Munies de marmites, de spatules, de bidons d'huiles ou de sachets de soude caustique, elles entrent avec enthousiasme, et s'installent au fur et à mesure dans la cour du centre. C'est jour de production ! Environ une trentaine de femmes, assistées de deux jeunes hommes, sont là pour fabriquer à la fois du savon liquide et du savon solide en forme cubique.
Hassouna, réfugiée malienne de 39 ans, est la présidente du Comité des femmes réfugiées de Ouagadougou. Sous son leadership, ces femmes arrivées plus tôt se mettent en petits groupes de production. Avec une bassine au milieu de chaque petit groupe, une femme remue à l'aide d'une spatule le contenu versé progressivement.
« Nous avons décidé de nous mettre ensemble pour entreprendre, en fabriquant du savon que nous revendons dans nos quartiers respectifs » explique Hassouna, après avoir donné quelques consignes à certaines femmes pour commencer le processus de production. Cette initiative qui n'est qu'à son début, espère-t-elle, doit, à terme, contribuer à les rendre autonomes et plus résilientes.
Tout a commencé en 2023, quand elles ont eu l'opportunité d'être formées avec d'autres femmes et jeunes réfugiés en entrepreneuriat et en techniques de fabrication de savon liquide et solide. En effet, soixante-dix réfugiés ont unanimement saisi une aubaine et proposé au HCR de renforcer leurs capacités dans ces domaines.
Malgré la crise sécuritaire qui a déplacé plus de 2 millions de personnes au Burkina Faso depuis 2015, le pays accueille également 39 174 réfugiés et demandeurs d'asile, principalement en provenance du Mali. Ces réfugiés, vivant dans des conditions précaires et confrontés à des défis alimentaires, sont souvent les femmes chefs de famille, luttant pour subvenir aux besoins de leurs enfants.
Roukiétou Badandéré, 45 ans, réfugiée de Koro, Mali, est l'une d'elles. Abandonnée par son mari, elle vit avec sa coépouse et leurs onze enfants, dans l'espoir que ceux-ci prendront soin d'elles quand ils seront grands.
« Certaines femmes font des travaux domestiques dans des familles dans la capitale pour s'en sortir, mais elles sont souvent exploitées et abusées. » regrette Gloria OUEDRAOGO, Chef de Services Communautaires à Christian's Relief and Development Organization (CREDO), partenaire du HCR en charge du suivi et de l'assistance communautaire des réfugiés. Pour elle, « investir dans leur autonomisation va fortement contribuer à répondre à leurs besoins et à réduire les risques de violences auxquelles elles sont exposées ».
Formées à la fois en saponification et en entrepreneuriat, trente-quatre femmes parmi les soixante-dix réfugiés formés ont décidé de se mettre ensemble pour mettre en pratique ce qu'elles ont appris, mais aussi pour produire et revendre le savon pour se faire des revenus. Elles ont chacune contribué à hauteur de 1000 F CFA (soit 1,66 USD) pour l'achat de la matière première qui a coutée 36 000 F CFA (59,81 USD).
« Comme nous n'avons pas reçu de fonds d'appui à l'issue de la formation, nous avons décidé de cotiser pour nous lancer dans la production », raconte Hassouna, avec fierté. « Avec le matériel de production mis à disposition au centre, nous avons pu faire une première production que nous avons vendue et réinvesti le revenu. Le total de la vente s'élevait à 58 800 F CFA (environ 97,68 USD), soit un bénéfice d'à peu près 22 800 F CFA (37,88 USD). Aujourd'hui, nous sommes à notre deuxième production », ajoute-elle, avec un sourire aux lèvres.
« Des initiatives communautaires de ce genre sont à saluer et à encourager ! » soutient M. Maurice AZONNANKPO, Représentant Résident du HCR au Burkina Faso. « Cela montre combien ces femmes sont pleines de volonté et de détermination à travailler pour gagner de quoi se nourrir et prendre soin de leurs familles. » Pour M. AZONNANKPO, elles ont juste besoin d'un peu d'accompagnement pour montrer qu'elles sont capables de contribuer pleinement à l'épanouissement de la vie socioéconomique de leurs communautés.
« C'est l'occasion pour moi de remercier tous nos donateurs dont les contributions flexibles qui permettent de renforcer les capacités des femmes réfugiées et contribuer à augmenter leur pouvoir d'achat », ajoute-t-il. « Je tiens également à renouveler ma gratitude au Gouvernement et au Peuple du Burkina Faso pour leur hospitalité légendaire envers les réfugiés, en dépit des défis auxquels le pays est confronté depuis plusieurs années ».
Pour contribuer à renforcer la résilience et l'auto-prise-en-charge des réfugiés, le HCR et ses partenaires leurs apportent une assistance multidimensionnelle consistant parfois à des formations aux métiers et à l'entrepreneuriat, en soutenant les initiatives communautaires. Cependant, en raison de l'amenuisement des ressources, les pensionnaires des formations ne bénéficient pas systématiquement de kits d'installation ou de fond de démarrage. « A l'issu de la formation en entrepreneuriat et en saponification, nous avons seulement pu mettre à disposition un kit de production au centre communautaire », confie Bouboucary MAIGA, Coordonnateur Programme de Vétérinaires Sans Frontières Belgique (VSF-B), partenaire du HCR en charge des moyens de subsistance. Il ajoute que « ce seul kit est exploité par soixante-dix personnes, pourtant, il faut un kit pour cinq à dix personnes au maximum. C'est l'un des défis auxquels ces femmes sont confrontées. ».
L'association de Hassouna, bien qu'engagée avec enthousiasme, rencontre des difficultés liées à sa capacité de production limitée, aux risques d'erreur dans le procédé chimique pouvant résulter à la mauvaise qualité du savon, et aux problèmes de fixation des prix. Mais, Hassouna est confiante. « Nous avons espoir qu'avec cette activité, nous pourrons faire beaucoup de choses. Nous pourrons nous occuper de nos enfants, et prendre en charge nos propres dépenses ». Pour elle, les femmes ont envie de travailler, pour peu qu'elles en aient la moindre opportunité.