À Madagascar, la célébration du Nouvel An malgache lundi, en présence de différents descendants royaux du pays, a permis de remettre sur le devant de la scène le sujet de la restitution du crâne du roi Toera par la France. Au cours de la fête à Antananarivo, deux des arrière-petites-filles de ce roi sakalava, décapité en 1897 par les troupes coloniales, se sont adressées publiquement à l'ambassadeur de France, lui demandant d'activer la restitution du côté des autorités françaises.
À Madagascar, sur l'esplanade du Coliseum, en plein Taombaovao - Nouvel An malgache -, l'ambassadeur de France, Arnaud Guillois, se voit remettre un courrier des mains de deux des arrière-petites-filles du roi Toera.
Si la toute première demande de restitution émise par le roi sakalava actuel, Magloire, date de 2003, pour la princesse Julia Georgine Kamamy, cette demande effectuée ce 11 mars, devant une foule réunie, est spéciale : « C'est la première fois, sous la présidence d'Andry Rajoelina, que ça se fait de manière si directe » explique-t-elle.
« La raison pour laquelle cette restitution est si importante pour nous », poursuit alors la princesse Marie Francia Kamamy, fille aînée de la reine Georgette Kamamy (elle-même fille du fils du roi Toera), « c'est que selon les traditions malgaches, si le corps de notre aïeul n'est pas au complet dans le tombeau, son âme erre sans cesse. Et il ne peut pas accomplir son rôle d'ancêtre protecteur auprès de son peuple et de sa descendance. C'est pour ça que nous, la famille, demandons à ce que son crâne nous soit rendu. Ça serait un signe de pardon entre les Malagasy et les Français », estime-t-elle.
Loi sur la restitution de restes humains
Le représentant de la France a assuré publiquement lundi « mesurer l'importance » de cette demande, avant de réaffirmer que l'avenir de la relation entre les deux pays « ne peut se fonder que si nous avons conscience de notre passé partagé ». De son côté, l'ambassade de France à Madagascar confirme que le courrier donné en mains propres et signé du ministre de la Culture malgache, Augustin Andriamananoro, a bien été transmis le jour même à son homologue française, Rachida Dati.
Le 26 décembre dernier, la loi française relative à la restitution de restes humains appartenant aux collections publiques a été promulguée. Une loi qui s'inscrit dans le cadre d'une vaste réflexion éthique sur le contenu des collections muséales de l'Hexagone.
Mise en place d'un comité bilatéral
La restitution par les autorités françaises à Madagascar de trois crânes, dont celui que les Malgaches attribuent au roi Toera, mais que les tests ADN n'ont pas permis de confirmer entièrement, s'inscrit donc bien dans cette démarche.
Un comité bilatéral doit être mis en place pour décider du sort de ces crânes. Côté malgache, les membres ont déjà été choisis. Côté français, le ministère de la Culture fait durer le suspense. Une première rencontre devait être prévue fin mars, mais la composition de l'équipe n'a toujours pas été arrêtée.
Cette restitution, attendue par une partie de la population, fait cependant émerger de vastes dissensions entre les différentes branches des descendants du roi sakalava, rappelant à quel point la relique manquante reste au coeur de jeux de pouvoirs contemporains.