Tunisie: La croissance et le développement des PME pour l'année 2024 seront impactés par la succession de crises »

13 Mars 2024

Les PME, qui ont accès à des financements, obtiennent principalement des crédits de court terme, en raison notamment d'un manque de liquidités à long terme dans le secteur bancaire. Et pour les cas rares des PME qui ont obtenu des crédits d'investissement ( 2 à 3 % des PME tunisiennes), les banques ont exigé des garanties allant de 150 à 300% du montant accordé.

Selon l'expert-comptable Amine Ben Gamra, parmi les défis auxquels le tissu des PME fait face dans le contexte des réformes économiques le manque d'accès aux financements : selon des enquêtes menées par la Banque mondiale, les PME tunisiennes souffrent d'un déficit d'accès aux financements (22 % des entreprises considéraient le manque d'accès au financement comme un obstacle majeur), qui s'est encore creusé au fil des ans. On n'arrête pas de dire que ce tissu économique risque de s'effondrer, et ce, en l'absence des aides et de l'accompagnement de l'Etat, du moins au niveau de la facilitation de l'accès aux fonds d'investissement et de financement. Les PME qui ont accès à des financements, obtiennent principalement des crédits de court terme, en raison notamment d'un manque de liquidités à long terme dans le secteur bancaire. Et pour les cas rares des PME, qui ont obtenu des crédits d'investissement (2 à 3 % des PME tunisiennes), les banques ont exigé des garanties allant de 150 à 300% du montant accordé.

La fraude : le risque majeur

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L'expert-comptable souligne que la fraude constitue désormais un risque majeur fragilisant les entreprises. Les barons de la corruption veillent au grain, à toutes les échelles et dans toutes les institutions, pour que notre pays ne gagne pas sa guerre annoncée contre ce fléau qui continue de se développer et dont le coût avoisine, selon le rapport de la BM, 54% du PIB de la Tunisie.

Et d'ajouter, «13% des entreprises à participation étrangère ont déclaré avoir fermé leurs portes et quitté le pays à cause de la fraude». Ceci sans oublier la complexité et les blocages administratifs et douaniers et la liste interminable de licences et autorisations nécessaires pour investir. Sachant que les opportunités sont multiples, dont l'emplacement de la Tunisie et le savoir-faire tunisien de haut niveau et la coopération économique tripartite entre l'UE, la Tunisie et l'Afrique dans un contexte géopolitique en évolution. En effet, la Tunisie est également un endroit idéal pour les startup pour tester des idées, investir dans la recherche et le développement, puis s'étendre à de nouveaux marchés.

Développement des PME en 2024

La croissance et le développement des PME pour l'année 2024 et au-delà seront impactés par les conséquences économiques de la succession de crises de ces dernières années qui seront plus visibles en 2024, notamment l'impact de la hausse des taux d'intérêt pour contrer la plus forte poussée d'inflation depuis 40 ans suite à la crise énergétique de 2022. Parallèlement, le durcissement des conditions de financement limitera la politique budgétaire, suite à l'augmentation rapide des emprunts pendant la dernière décennie et l'impact de la guerre en Ukraine. Dans un climat comme celui-ci, la croissance sera lente. L'incertitude à l'échelle mondiale persiste, toutefois, entre une inflation pas encore apaisée durablement et le risque de la voir rebondir du fait des perturbations importantes sur la circulation des navires commerciaux en mer Rouge.

Sauver les PME menacées de faillite

Les PME doivent se focaliser sur la transparence et la mise en place de rapports de surveillance des risques quotidiennement pour surveiller surtout les tensions de liquidité, de change, de solvabilité et surtout le risque de défaut de paiement. D'où la nécessité aujourd'hui de faire une cartographie des risques et un scénario de stress test. Actuellement, il est très important d'anticiper le rendement de l'entreprise pour optimiser son fonctionnement et gagner en performances, identifier les postes les plus coûteux ou ceux qu'il est possible de réorganiser pour perdre moins d'argent, en anticipant les retombées des différentes actions menées. Ainsi, l'entreprise maîtrise ses coûts, augmente sa rentabilité, sans même augmenter son chiffre d'affaires. Et pour optimiser la gestion de l'entreprise, il faut mettre en place des outils de pilotage permettant d'évaluer la performance d'une société.

Anticiper juste, c'est agir juste, et pour mieux anticiper, il faut mieux connaître l'environnement macro et micro-économique de l'entreprise ainsi que les grandes tendances du marché, et réduire au maximum les risques. Ainsi, il faut faire une bonne étude de marché et des analyses financières complètes et actualiser les projections financières. L'entrepreneur tunisien doit être flexible au changement et ne pas agir de façon rigide. Une planification très souple et dynamique permet d'atteindre les objectifs promus. Il faut aussi assurer la transition écologique qui doit être intégrée dans la stratégie de l'entreprise, réussir la transformation digitale des PME pour augmenter la productivité du travail et renforcer la compétitivité de l'entreprise et viser l'export. Lorsque les moyens mis en oeuvre sont au service d'une stratégie pertinente, la réussite est bien souvent au rendez-vous.

L'expert-comptable révèle que le rôle de l'Etat consiste à restructurer le système bancaire et financier, c'est-à-dire créer des banques des régions destinées aux micro-projets à la place des institutions de microcrédit qui cherchent de la profitabilité au détriment de l'accompagnement et du suivi des projets. Les entrepreneurs tunisiens ont besoin d'encadrement et ne doivent pas être livrés à eux-mêmes. Des instruments financiers, qui constituent les principales sources de financement à long terme dans de nombreux marchés émergents, ne sont pas encore pleinement développés en Tunisie, tel le crowdfunding. En Tunisie, la loi relative au Crowdfunding n'est pas encore applicable et il va falloir attendre la promulgation des décrets d'application pour la voir produire ses effets. Il est nécessaire de faciliter les liens commerciaux pour que les entrepreneurs puissent renforcer leur réseau. Il faut mettre les PME tunisiennes en relation avec des investisseurs étrangers.

C'est seulement à travers une administration digitale, efficace et inclusive que nous pourrons créer un climat plus transparent, plus résilient et plus prospère. La réglementation des changes ne remplit plus le rôle pour lequel elle a été créée. Il est temps que les Tunisiens aient le droit d'ouvrir des comptes en devises. Pour résumer, des PME développées renforcent le tissu économique de tout pays en favorisant la création d'emplois et l'augmentation de la valeur ajoutée, et du PIB national.

Nouveau modèle économique de la Bfpme

Le nouveau modèle économique de la Bfpme doit appuyer les initiatives visant à aider les entreprises dans la concrétisation de leurs projets, à se relever, à saisir de nouvelles occasions de développement ou encore à créer de nouveaux partenariats. «Tout en appuyant l'effort de reprise qui s'amorce, la Bfpme doit s'assurer aussi de mettre en place un plan pour ses propres activités en accord avec les mesures gouvernementales», précise Ben Gamra.

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