Afrique: Adoptions internationales - La France reconnaît «des pratiques illicites» répétées

Ce mercredi 13 mars, un rapport d'inspection sur les pratiques illicites dans l'adoption internationale a été remis au gouvernement français. Une mission souhaitée par les ministères des Affaires étrangères, de la Justice et du secrétariat d'État à l'enfance pour « identifier les pratiques illicites qui ont eu lieu par le passer et éviter qu'elles ne se reproduisent ». Ce rapport concerne des milliers de personnes adoptées en Afrique.

En France, on dénombre plus de 120 000 personnes qui ont été adoptées aux quatre coins du monde. Parmi elles, il y en a environ 15 000 qui viennent d'Afrique, d'Éthiopie, de Madagascar et du Mali, pour les plus nombreux.

Le rapport de 118 pages remis ce mercredi aux autorités françaises revient sur la genèse et l'essor de l'adoption internationale en France. Les auteurs y reconnaissent « l'existence de pratiques illicites de nature systémique, dans de nombreux pays et pendant une longue période ». La falsification de documents dans les dossiers d'adoption, les fausses déclarations dans les actes de naissance, ou les soupçons, le vol ou le trafic d'enfants par exemple, sont considérés comme des pratiques illicites.

Mais aujourd'hui, l'adoption internationale est, selon les rapporteurs, beaucoup mieux régulée qu'il y a 30 ans et les chiffres des adoptions sont en baisse. En 2023, seuls 65 enfants venant d'Afrique ont été adoptés en France. Pour que les dérives d'antan ne se reproduisent plus et pour répondre aux demandes des personnes adoptées, la mission d'inspection a formulé 28 recommandations à destination du gouvernement, parmi lesquelles : la reconnaissance officielle des pratiques illicites, l'organisation de la recherche des origines ou la création d'une commission indépendante pour mieux accueillir et accompagner les personnes qui ont découvert des pratiques illicites dans leur adoption.

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De nombreuses attentes

Les attentes autour de la sortie de ce rapport d'inspection étaient nombreuses et le gouvernement français a souhaité marquer l'occasion en réunissant les acteurs de l'adoption (Mission de l'inspection internationale, agence nationale de l'adoption, associations de parents adoptifs, chercheurs et associations de personnes adoptés) hier en fin de journée.

Franck Riester, ministre délégué du Commerce extérieur, de l'Attractivité, de la Francophonie et des Français de l'étranger, et Sarah El Haïry, ministre chargée de l'Enfance et de la Famille étaient les hôtes de cette rencontre. Au nom de la France, ces derniers ont reconnu pour la première fois des « manquements collectifs » dans la protection des enfants adoptés à l'étranger.

Depuis les années 1970, de nombreux signalements avaient pourtant fait jour et de nombreux scandales à l'adoption dévoilés. C'est pourquoi cette reconnaissance a minima est loin de satisfaire les représentants des associations d'adoptés en Afrique présents lors de cette rencontre au ministère de la Santé en charge de l'enfance et de la famille. Car eux se considèrent comme des victimes du système de l'adoption internationale.

Des excuses demandées

Enfants volés, dont les parents biologiques ont été dupés, victimes de trafics ou encore ayant des faux documents dans leur dossier d'adoption, Marie, Mulu, Julie et Anne-Lise, adoptés au Mali et en Éthiopie souhaitaient que des excuses publiques soient formulées par les autorités et les responsabilités identifiées. Amère, Anne-Lise, membre du collectif des adoptés français du Mali, considère que (leurs) « souffrances, (leur) vécus n'a absolument pas été pris en compte ».

À ses côtés, Mulu Menghistu, vice-président de l'association Des racines naissent des ailes, fait le même constat. Né en Éthiopie il y a 38 ans, il appartient à une génération ou les abus étaient nombreux faute de contrôle suffisant des États. Il estime ne pas avoir été entendu. « (Les autorités) parlent du futur de l'adoption, mais ne demandent pas pardon aux victimes qui sont là aujourd'hui. C'est très humiliant en fait », dit-il.

Parmi les rares points de satisfaction, les associations d'adoptés soulignent la prise en compte d'une de leurs principales revendications sur la recherche des origines. Le rapport d'inspection intergouvernementale préconise en effet d'accompagner les personnes adoptées dans la recherche de leurs origines et retrouver leurs familles biologiques, de mener une réflexion sur la question des tests ADN pour l'heure toujours interdit en France, mais qui permettrait de confirmer ou non une filiation et de négocier des conventions d'entraide administratives avec les pays d'origines dans l'accès aux archives par exemple.

Dans l'attente d'une mise en oeuvre de ses mesures, ces adoptés français originaires d'Afrique promettent de poursuivre leurs mobilisation et plaidoyer. « L'objectif, c'est d'avoir une vraie reconnaissance législative, c'est-à-dire une loi qui nous permette d'avancer. Une loi dans laquelle la France regrette les pratiques passées qu'elle a laissé faire et qui nous permette d'aller vers une véritable recherche de nos origines », ainsi que des réparations pour les cas avérés d'adoptions illégales.

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