Trois semaines après la dissolution du gouvernement du Dr Bernard Goumou, par le chef de la junte militaire au pouvoir à Conakry, la Guinée a un nouvel Exécutif. La nouvelle équipe dirigée par le Premier ministre Bah Oury, a été dévoilée le 13 mars dernier.
Elle est composée de vingt-neuf ministres dont six femmes. Si les ministères clés que constituent la Défense, la Sécurité et les Affaires étrangères, entre autres, n'ont pas changé de titulaires, il reste que la nouvelle équipe gouvernementale compte de nombreux nouveaux visages, issus principalement de l'Administration publique et sans coloration politique connue.
C'est dire si a priori, le Premier ministre Bah Oury n'a pas composé avec les partis politiques dans la mise en place de ce nouveau gouvernement qui a aussi connu un jeu de chaises musicales entre plusieurs ministres du gouvernement dissous. Toujours est-il que ce nouveau gouvernement arrive à un moment charnière de la marche de la transition où l'atmosphère sociopolitique déjà délétère, s'était davantage détériorée avec la grève générale illimitée lancée en fin février dernier par les syndicats. Lesquels dénonçaient, entre autres, la vie chère, la censure sur les médias ainsi que les restrictions des réseaux sociaux.
Travailler à réconcilier les Guinéens avec eux-mêmes
Un mouvement de grogne sociale, du reste, fortement soutenu par les Forces vives de Guinée, ce regroupement de partis politiques et d'organisations de la société civile qui avaient aussi appelé leurs militants au respect du mot d'ordre de grève, dans la lutte commune pour de meilleurs conditions de vie et de travail. C'est dire le contexte difficile dans lequel le Premier ministre Bah Oury et son équipe prennent le gouvernail du navire battant pavillon Guinée pour le conduire au port des élections devant signer le retour du pays à l'ordre constitutionnel.
Sauront-ils relever le défi ? L'histoire sans doute le dira. En attendant, les chantiers sont nombreux. A commencer par celui de la paix et de la cohésion sociale dans un contexte de vie chère sur fond de tiraillements sociopolitiques avec la junte. Autant dire que le premier challenge pour le nouveau gouvernement, sera de travailler à rétablir la confiance entre les Guinéens et leurs dirigeants. En cela, on espère que le Premier ministre, Bah Oury, qui n'est pas un novice en politique, saura ouvrir un dialogue fécond avec les différents acteurs politiques et autres partenaires sociaux à l'effet de décrisper l'atmosphère pesante qui s'abat comme une chape de plomb sur le pays.
Le nouveau chef de l'Exécutif a d'autant plus intérêt à changer de paradigme que l'espoir suscité par le locataire du palais Sékoutouréya au lendemain de son coup d'Etat qui a mis fin aux velléités monarchistes du président Alpha Condé dans les conditions que l'on sait, est en train de s'estomper. Et ce, au regard des dérives autoritaristes du président de la transition dont l'action, à la tête de l'Etat guinéen, manque encore largement de lisibilité dans la perspective du retour à l'ordre constitutionnel.
Le plus dur commence maintenant
Pendant ce temps, les atteintes et autres restrictions des libertés individuelles et collectives restent toujours une préoccupation sous cette transition où les embastillements d'opposants politiques, de leaders syndicaux ou de la société civile constituent de mauvais signaux d'une volonté de musèlement des voix discordantes par le Comité national pour le rassemblement et le développement (CNRD).
Il y a aussi la question fondamentale de la liberté d'expression et de presse qui était, entre autres motifs, déjà à la base du mouvement de grève générale, et dont on espère qu'elle trouvera réponse dans la nomination de deux journalistes dans le présent gouvernement. En l'occurrence, le Directeur général de la Radiotélévision nationale, Fanah Soumah, propulsé au rang de ministre de l'Information et de la Communication, et le responsable de la communication au palais présidentiel, Moussa Moïse Sylla, devenu ministre de la Culture, du tourisme et de l'artisanat.
C'est dire la montagne de défis qui se dresse devant le Premier ministre Bah Oury et son équipe qui, au-delà, des aspirations de leurs compatriotes et du calendrier du retour à l'ordre constitutionnel, doivent aussi travailler à réconcilier les Guinéens avec eux-mêmes. Tout le mal qu'on leur souhaite, c'est de réussir là où leurs prédécesseurs ont échoué. En tout état de cause, il n'y a pas de temps à perdre. Et le plus dur commence maintenant.