Exploration littéraire
«La femme, pilier de la société, constituant la moitié de l'humanité, est au coeur des relations humaines en tant qu'épouse, mère ou fille. Dans le domaine littéraire, à l'instar de sa position sociale, elle est au coeur des écrits en tant que personnage, plus rarement en tant qu'auteur de l'écrit : les femmes n'ont commencé à écrire que tardivement et souvent de manière modeste.
La représentation des figures féminines est développée dans l'ouvrage de Nabila Bhih intitulé «Femmes africaines, littérature Subsaharienne.
Ce sujet est une recherche qui, au premier abord, apparaît comme du déjà-vu. Pourtant, l'essai de Nabila Bhih présente un renouvellement par le corpus choisi qui s'attache tout d'abord aux littératures subsahariennes francophones, qui allie à la fois des auteurs hommes et des auteurs femmes ainsi que des écrivains de différentes générations et de diverses religions: des auteurs classiques (Camara Laye, Ahmadou Kourouma, Mariama Ba) et des auteurs plus récents (Calixthe Beyala, Ken Bugul, Sami Tchak et Alain Mabanckou) qui sont eux-mêmes en train de devenir des classiques de la littérature subsaharienne. Cette recherche permet donc de confronter la vision masculine et la vision féminine de la représentation des femmes ainsi que la situation des femmes chrétiennes, musulmanes ou animistes et d'autre part, cette analyse couvre un demi-siècle de littérature subsaharienne, ce qui permet d'évaluer l'évolution de l'image de la femme.
Bien que les auteurs des textes étudiés soient de religions, de genres différents et de diverses époques, il ressort des analyses de Nabila Bhih que la sexualité est au coeur de la représentation des femmes. L'image de la femme est indissociable de ce facteur quel que soit l'auteur et quelle que soit l'époque. L'exploitation de ce thème amène les écrivains à aborder des questions taboues et à développer certaines transgressions. Le malaise des sociétés africaines s'inscrit dans le malaise des femmes.
Il est à noter que les premiers écrivains subsahariens, à l'image de Léopold Sedar Senghor, dont on se souvient du magnifique poème «Femme noire» qui sublime l'image de la femme africaine, ou même de Camara Laye qui place l'image de la mère au-dessus de tout, ont rendu hommage dans leurs écrits à la femme, qui symbolisait finalement leur terre africaine. Les auteurs d'après les indépendances, du fait de la situation des pays africains, ne parviennent à donner de la femme qu'une image dénaturée, avilissante, qui ne cadre plus avec l'image donnée par les premiers écrivains subsahariens.
Il semble qu'une fois les indépendances acquises, le désenchantement a pris place et les auteurs, hommes ou femmes, le temps passant, détruisent l'image initiale de la femme, comme pour souligner le chaos social qui prévaut.
C'est donc une image relativement pessimiste que nous offre cette recherche à l'instar de la situation des pays africains d'après les indépendances. Toutefois Nabila Bhih perçoit un espoir dans le retour aux origines des différents personnages féminins du corpus étudié, qui rappelle le credo des premiers écrivains noirs qui, au travers de la négritude, voulaient que l'Africain soit fier de ses origines.
Du point de vue scientifique, cet ouvrage présente un intérêt pour les futurs chercheurs par la bibliographie réalisée et par les outils que sont l'index des auteurs et le tableau synoptique qui aideront les jeunes chercheurs. De plus, la recherche s'appuie sur des analyses textuelles qui rendent compte de la richesse des textes.
Ainsi l'ouvrage de Nabila Bhih, par le point de vue qu'il prend, nous donne une image de la femme africaine peu conforme à celle que le lecteur attendait. Il permet de visualiser un type de femme africaine, mais y a-t-il d'autres femmes africaines? Certainement. Elles sont à découvrir dans un corpus différent ».
Université Hassan II de Casablanca