Depuis le 11 mars, les musulmans du monde entier ont entamé le mois sacré du ramadan. À Madagascar aussi, la communauté s'organise chaque jour pour prier et rompre le jeûne entre fidèles. Sur cette île très majoritairement chrétienne, ce mois béni de l'islam est vécu plus librement depuis 2019. Cette année-là, le régime d'Andry Rajoelina a décrété les grandes fêtes religieuses musulmanes, fériées et payées pour tous les travailleurs, y compris non musulmans. Reportage au sein de la plus grande mosquée de la capitale, dans le quartier des 67 hectares.
Une lumière de fin de journée tapisse la façade blanche de la mosquée. À moins d'une heure de la rupture du jeûne, de grands chaudrons bouillonnent dans une cuisine de fortune, installée à l'arrière de l'édifice. De quoi distribuer chaque soir plus de 1 000 repas aux fidèles du quartier.
De la viande, des légumes, avec du riz... Un menu entièrement malgache et préparé selon les rituels musulmans. Faute d'un abattoir de bovins certifié halal dans la ville, la mosquée compte sur son propre réseau pour le sacrifice des bêtes.
Pour Styvana, responsable de la cuisine, ce mois de jeûne revêt une saveur nouvelle depuis peu, car le regard de la société a changé. « Maintenant, dit-elle, on est considérés. Pendant le mois du ramadan, on nous voit, on nous regarde, on nous valorise. Avant, il n'y avait pas ça. Même dans la rue, on est plus à l'aise pour porter le voile. »
Le feu de bois qui permet de cuire le repas dégage un épais nuage de fumée, loin de troubler Pierre Todiarivo. Le secrétaire général de l'Association des musulmans malgaches (FSM), structure officielle de l'islam sur l'île, estime que depuis quelques années, la communauté musulmane - qui représente selon les estimations entre 10 et 15% de la population - n'a pas de complexe à se montrer et à pratiquer en temps de ramadan. Ce responsable y voit un symbole du vivre-ensemble.
« Ici chez nous à Madagascar, explique-t-il, la valeur centrale du vivre-ensemble, c'est le fihavanana, un mot intraduisible dans une autre langue. C'est une vision du monde qui veut que tous les êtres humains sont des parents. Cela signifie qu'on se respecte et qu'il y a une tolérance mutuelle. Donc je dirais que le vivre-ensemble malgache et l'islam, ça va ensemble, c'est naturel. »
Plus d'un millier de fidèles rempliront les allées de la mosquée pour l'Aïd el-Fitr, qui marque la fin de ce mois sacré. Une fête plus visible et populaire encore depuis qu'il est possible d'en profiter pleinement. Pour la sixième année consécutive, ce jour est férié au même titre que les célébrations chrétiennes.