Niger: Dénonciation par le CNSP de l'accord militaire entre le pays et les Etats-Unis - Un coup de godasse dans l'arrière-train de l'oncle Sam

Le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) au pouvoir au Niger a, en de termes voilés et par la voie de son porte-parole, Amadou Abdramane, intimé l'ordre au millier de soldats américains basés à Agadez de quitter sans délai le pays, d'autant que cette présence est « illégale et viole toutes les règles constitutionnelles et démocratiques ».

En dénonçant le 16 mars dernier l'accord militaire en vertu duquel les militaires américains ont installé en 2012 leurs pénates à proximité de l'aéroport Hamani Diori de Niamey et surtout à Agadez, le Général Abdourahamane Tchiani et son CNSP donnent un coup de godasse dans l'arrière-train de l'Oncle Sam, quelques mois après avoir chassé les militaires français et allemands du territoire nigérien.

C'est bien là le signe d'une profonde discordance entre le Niger d'aujourd'hui et les pays occidentaux notamment sur la conduite de la transition, et il marque une escalade dans le bras de fer entre Niamey et Washington, dont les relations diplomatiques ont été ébranlées depuis août dernier avec le départ exigé de l'ambassadeur des Etats-Unis et de plusieurs autres pays européens, du Niger.

Le retrait probable des soldats américains ouvrira, sans doute, la voie aux Russes

Pourtant, en 12 ans de présence continue dans le sable mouvant du désert du Ténéré, les forces spéciales américaines ont non seulement mené d'importantes opérations ciblées contre les terroristes dans les zones frontalières particulièrement fragiles de l'Ouest et du Nord du pays, mais aussi et surtout mené des frappes de drone depuis Niamey visant l'Etat islamique et Al-Qaïda en Libye voisine.

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Mais ça, c'était au temps du président Mahamadou Issoufou et de son successeur Mohamed Bazoum qui ne tarissaient pas d'éloges vis-à-vis de leur partenaire qui a dépensé sans compter pour la construction à Agadez de la deuxième plus grande base américaine en Afrique après celle de Djibouti, et qui a perdu des équipements et des hommes, précisément dans l'attaque djihadiste de Tongo Tongo en 2017.

Depuis l'arrivée du Général Tchiani au pouvoir après avoir évincé par les armes Mohamed Bazoum en juillet dernier, le Niger semble avoir trouvé des amis alternatifs, notamment les Russes, les Turcs et les Iraniens nettement plus accommodants que les Occidentaux vis-à-vis des putschistes. Pourquoi alors s'enticher de partenaires, fussent-ils membres du Conseil de sécurité, si c'est pour entendre se rappeler à tout bout de champ son illégitimité et son obligation de débarrasser le plancher au plus vite et de remettre le pouvoir aux civils ?

Les dirigeants de la transition ont choisi, au nom de la souveraineté de leur pays, de se débarrasser de la présence nocive de ces Occidentaux qui exploitent ou qui lorgnent les richesses du pays, tout en étant particulièrement critiques à l'égard du régime, au motif qu'il est issu d'un coup d'Etat. Le retrait probable des soldats américains ouvrira, sans doute, la voie aux Russes, qui sont en train d'étendre lentement mais sûrement leurs tentacules dans cette zone sahélienne, après avoir eu la confiance des dirigeants du Mali et du Burkina Faso pour combler le vide laissé par la France dans ces deux pays.

L'arrêt de cette coopération militaire sonne comme une double humiliation pour la première puissance du monde

Reste à savoir si les dirigeants de la transition nigérienne ont été bien inspirés en prenant cette décision de dénoncer l'accord de coopération militaire avec les Etats-Unis « avec effet immédiat » pour accueillir à bras ouverts de nouveaux partenaires qui auront besoin de temps et de beaucoup de talents en matière de renseignement notamment, pour aider à juguler la crise sécuritaire qui connait une croissance exponentielle depuis l'arrivée des nouvelles autorités au pouvoir.

Le doute est permis au regard des résultats mitigés obtenus par les Russes au Mali voisin, surtout si le nouveau partenaire prend le visage de la milice Wagner, dont les éléments sont réputés avoir la main leste et la gâchette facile, même face à des civils désarmés. Mais comme la liberté n'a pas de prix et comme il s'agit pour la junte d'une question de survie et comme les Américains sont quasiment restés l'arme au pied pendant toutes ces années de braise, on pourrait comprendre la réaction indignée du CNSP et son changement de cap dans le choix de ses partenaires même si cela est déjà loin de faire l'unanimité chez les Nigériens.

Dans ce divorce annoncé, en effet, on pourrait d'autant plus comprendre la décision du régime nigérien qu'en 12 ans de présence permanente sur leur sol, les Américains n'ont pas pu, malgré leurs moyens impressionnants, empêcher les terroristes de plastronner partout au Niger, alors que le pays se saigne financièrement pour entretenir ces troupes étrangères.

Laxisme ? Indifférence ? Connivence avec les forces du mal ? En tout état de cause, l'arrêt, même momentané de cette coopération militaire entre le Niger et les Etats-Unis sonne comme une double humiliation pour la première puissance du monde qui se verra bientôt chassée d'une zone hautement stratégique en raison de sa position géographique et de la richesse de son sous-sol, et remplacée par son ennemi juré qui n'en finit pas de pousser ses pions dans beaucoup de zones naguère considérées comme la chasse gardée des Occidentaux.

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