Le gouvernement ivoirien a lancé à Abidjan une nouvelle vague de « déguerpissements », nom donné aux destructions des quartiers informels par les pouvoirs publics. Après les communes de Yopougon et d'Attécoubé ces dernières semaines, c'était au tour du quartier des ferrailleurs d'Anoumabo, à Koumassi dans le sud d'Abidjan, samedi 16 mars.
Après le passage des pelleteuses, de jeunes hommes fouillent les décombres à la recherche de câbles ou de morceaux de tôle qu'ils pourront revendre. Des centaines d'occupants, prévenus par la mairie mercredi 13 mars, n'ont eu que trois jours pour évacuer leurs ateliers ou leurs habitations. Kalif Konaté, vice-président de l'Association des ferrailleurs ivoiriens, explique :
« On n'a pas reçu de notification, on n'a pas eu de préavis. Nous, on l'a appris sur les réseaux sociaux. On n'a pas les moyens d'anticiper. Ce qu'on peut enlever directement, on enlève. Ce qu'on ne peut pas, on leur laisse, ils vont venir le démolir. Ce qui est sûr, on nous a dit seulement "préparez-vous seulement pour après-demain, parce qu'après-demain, c'est tout le reste qu'on va prendre". »
Le gouvernement a adopté cette semaine des mesures d'accompagnement pour les « déguerpis », notamment un plan de relogement et une indemnisation. Des mesures insuffisantes, juge la militante de la société civile Pulchérie Gbalet, qui a fondé une coalition d'ONGs et de « déguerpis » :
« La première mesure dit qu'on va donner 250 000 francs à chaque ménage. Et ces 250 000 francs répondent à quoi ? Avec 250 000 francs, aujourd'hui à Abidjan, on ne peut loger que dans un quartier précaire. Donc, on déplace les gens pour les envoyer là où on va les déplacer encore. C'est pas logique. C'est faire la guerre aux pauvres ! »
La coalition a commencé à recenser les populations affectées pour leur permettre de demander des indemnisations ou des recours en justice. Les ferrailleurs d'Anoumabo, eux, continuent de sauver ce qui peut l'être, en attendant le retour des pelleteuses, lundi prochain.