Le 18 mars dernier, le Premier ministre malien, Choguel Maïga, était en conclave avec la classe politique à Bamako. Une rencontre d'échanges que le locataire de la Primature voulait avec les partis politiques, mais qui ne paraissait pas moins une opération de charme à l'égard de ces derniers en vue d'obtenir leur soutien ferme à la transition et à son action à la tête du gouvernement.
Une initiative de dialogue à saluer mais qui était d'autant plus délicate qu'avant même la tenue de la rencontre, certains acteurs et pas des moindres de la classe politique, avaient clairement indiqué leur volonté de ne pas « répondre à une invitation d'un homme clivant qui n'a fait que diviser les politiques ». C'est dire le degré de la rupture de confiance entre le Premier ministre de la transition malienne et certains de ses camarades de lutte d'hier. Notamment ceux du M5-RFP (Mouvement du 5 juin - Rassemblement des forces patriotiques) qui l'ont récemment déchu de la tête de ce mouvement qui a porté la contestation contre le président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) jusqu'à la chute de ce dernier dans les conditions que l'on sait, et qui ne manquent pas de griefs à son égard.
Le Mali traverse en ce moment une période critique
Lui reprochant au passage de ne « pas être à la hauteur de ses responsabilités » en manquant, entre autres, de « ramener la paix et la cohésion » au sein du Mouvement. C'est donc un chef du gouvernement de la transition politiquement affaibli, qui est allé à la rencontre de la classe politique pour tenter de la rallier à la cause de la transition et par ricochet à la sienne, au moment où certains réclament une fois de plus son départ de la tête de l'Exécutif.
Et le leader du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR) paraît d'autant plus sur la sellette qu'au-delà des bisbilles et autres dissensions au sein du M5-RFP, lui-même ne tarit pas de griefs contre des opposants et même « certains militaires » accusés d'être non seulement « à la manoeuvre pour déstabiliser le mouvement », mais aussi derrière des actions visant à le discréditer auprès de la Transition.
Autant dire qu'en conviant la classe politique à une telle rencontre de concertations, Choguel Maïga tente de jouer la carte de la concorde nationale pour sauver les meubles. On est d'autant plus porté à le croire que le Mali traverse en ce moment une période critique, avec une crise énergétique qui n'est pas loin d'avoir raison de la résilience des Maliens déjà durement éprouvés par douze ans d'une crise sécuritaire qui n'en finit pas de se prolonger, dans un contexte de renchérissement continu du coût de la vie.
Une situation qui nécessite, aujourd'hui plus que jamais, que les Maliens se donnent la main pour mieux faire face à l'adversité. C'est pourquoi on peut se demander si l'initiative du Premier ministre n'est pas aussi dictée par les contingences de l'heure qui ne sont pas loin de mettre le gouvernement dans une position délicate surtout au regard de la multiplication, tous azimuts, des attaques terroristes à travers le pays.
Les Maliens ne doivent pas se tromper de combat
En tout état de cause, il appartient à la classe politique malienne de savoir saisir la perche de ce dialogue par le bon bout. D'autant qu'à un moment ou à un autre, elle a pu se sentir marginalisée dans la conduite de la transition quand elle n'était pas tout simplement vue comme la mère des problèmes de la République. Et aujourd'hui encore, sa préoccupation majeure reste le retour du pays à l'ordre constitutionnel à l'effet de retrouver la plénitude de ses prérogatives.
C'est pourquoi la main tendue du Premier ministre apparaît comme une opportunité pour la classe politique de se remettre dans le jeu à l'effet de peser dans la balance de la conduite de la transition. C'est pourquoi aussi l'on attend de voir quelles seront les suites de cette rencontre des partis politiques avec le chef du gouvernement. Mais d'ores et déjà, l'histoire nous enseigne que pour être fécond, un dialogue politique a toujours besoin de la franchise et de la sincérité des différents acteurs.
C'est dire s'il est temps, pour le gouvernement de transition et les acteurs politiques, de jouer franc jeu de part et d'autre en ayant à coeur l'intérêt supérieur du Mali. Autrement, les mêmes suspicions produiront toujours les mêmes effets de division qui ne profitent qu'à l'ennemi. Les Maliens ne doivent pas se tromper de combat.