Réagissant à l'information selon laquelle le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) compte reprendre les exécutions après une interruption d'une vingtaine d'années, dans le but de combattre des groupes armés et la violence de bandes criminelles, Tigere Chagutah, directeur régional pour l'Afrique de l'Est et l'Afrique australe à Amnesty International, a déclaré :
« La décision du gouvernement de rétablir les exécutions est une injustice flagrante pour les personnes condamnées à mort en République démocratique du Congo et témoigne d'un mépris total pour le droit à la vie. C'est une régression de taille pour le pays et un nouveau signe que le gouvernement Tshisekedi revient sur son engagement à respecter les droits humains.
« Que les condamnés à mort appartiennent à l'armée, à la police nationale ou à des groupes armés, ou aient été impliqués dans des bandes criminelles, chaque personne bénéficie du droit à la vie et à la protection de ce droit. Cette décision cruelle mettra en danger la vie de centaines de personnes condamnées à la peine capitale, notamment des personnes ayant été placées dans le couloir de la mort à l'issue de procès inéquitables et sur la base d'accusations motivées par des considérations politiques.
« Compte tenu de l'inefficacité du système de justice, que le président Tshisekedi a lui-même qualifié de "malade", la décision consternante du gouvernement signifie que de nombreux innocents risquent désormais d'être exécutés. Cette situation est d'autant plus alarmante que les opposant·e·s politiques, les défenseur·e·s des droits humains et les journalistes font l'objet d'une répression constante.
« La peine capitale est le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Le gouvernement de la RDC doit renoncer immédiatement à la reprise des exécutions et instaurer un moratoire officiel sur toutes les exécutions, en vue d'abolir la peine capitale. »
Amnesty International s'oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception, indépendamment des questions relatives à la culpabilité ou à l'innocence et quels que soient l'accusé, la nature ou les circonstances du crime commis et la méthode d'exécution.
COMPLÉMENT D'INFORMATION
- Les dernières exécutions recensées en RDC datent de 2003.
- Le 13 mars 2024, la ministre de la Justice de la RDC a officiellement notifié aux autorités judiciaires la décision du gouvernement de reprendre les exécutions pour une série d'infractions. Le gouvernement a justifié sa décision par le besoin de lutter contre la « trahison » au sein de l'armée, à un moment où la RDC est confrontée à une intensification des conflits armés, notamment avec la résurgence du groupe armé Mouvement du 23 Mars (M23) soutenu par le Rwanda, et la nécessité de mettre fin à la violence meurtrière de bandes criminelles dans plusieurs villes, notamment la capitale Kinshasa.
- La justice congolaise est en proie à de nombreux problèmes et les procès respectent rarement les normes d'équité, ainsi que l'ont montré Amnesty International et d'autres organisations.
- Le président Félix Tshisekedi lui-même s'est plaint publiquement à plusieurs reprises du mauvais fonctionnement du système de justice en RDC, notamment en le qualifiant de « malade » en début d'année.