Des femmes de Bakel en situation de handicap, réunies autour d'un groupement d'intérêt économique (GIE), ont mis en place une fabrique de savons pour subvenir à leurs propres besoins sans quémander.
En ce début de week-end, elles se sont donné rendez-vous en fin de matinée dans leur unité de production. Quelques-unes parmi elles ont formé un groupe et se penchent sur les premiers essais au programme de la journée.
D'autres femmes commencent à les rejoindre. L'endroit est leur lieu de convergence chaque week-end. La saponification est comme qui dirait devenue leur activité favorite. Mais si ces femmes vivant avec un handicap sont là, c'est d'abord et avant tout pour leur "survie".
Plus de 20 femmes de la commune de Bakel, toutes vivant avec un handicap, sont réunies au sein de ce groupement d'intérêt économique dénommé "GIE des femmes handicapées de Bakel".
L'association comptait 12 membres à son lancement en 2017 et avant sa transformation en GIE, explique Fatimata Badji, sa présidente.
"Nous sommes toutes des femmes handicapées" physiques, mais aussi des handicapées auditives et muettes, précise-t-elle.
Ce matin, une atmosphère de gaieté règne sur les lieux. Tout en souriant, elles discutent oralement et parfois à l'aide de signes.
Animées par le même désir de sortir des griffes de la précarité et de devenir indépendantes, elles ont fini par former une famille.
"Une femme handicapée qui n'a aucune activité, à un moment donné, risque de quémander et ce n'est pas du tout bien", estime leur présidente. Elle signale qu'elles ont identifié d'autres personnes handicapées dans le but de les amener à adhérer à leur GIE.
"Le handicap, c'est dans l'esprit"
"Tout le monde travaille et nous aussi, nous devrions travailler pour subvenir à nos besoins et aider nos familles", avance-t-elle. Parmi les membres du GIE, dit-elle, certaines sont des mères de famille, d'autres des élèves. Et, il y a bien d'autres profils encore.
"Le handicap, c'est dans l'esprit", soutient Dieynaba Ndiaye. Cette jeune femme handicapée consent que c'est difficile de fabriquer du savon. En dépit de cela, dit-elle, les membres du GIE sont surtout "motivées par l'amour du travail et le désir d'être indépendantes".
Elle salue l'attitude des aînées envers les plus jeunes. Les membres du GIE cotisent 500 francs chaque mois pour payer le petit-déjeuner et le déjeuner lors de leur regroupement. Et à la fin de la journée, chacune d'elle reçoit 1.500 francs comme "prime de motivation", renseigne Dieynaba.
Des savons disponibles, mais la commercialisation fait défaut
Les savons sont fabriqués pendant les week-end. Les femmes utilisent pour cela un bidon de 20 litres d'huile par jour. L'huile est mélangée avec du soude (khémé, en Wolof) et de l'eau. Pendant les deux jours du week-end, elles arrivent à produire 192 savons naturels pour le linge.
"Après le mélange des substances, nous versons le liquide dans quatre moules. Chaque moule fournit 24 savons. Ce qui nous fait 96 savons par jour destinés au linge", explique Fatimata Badji.
Des savons de toilette à base de plantes comme "Mbeur beuf", "Bamtamaré", "Aloe verra", "Moringa", "Curcuma" sont également fabriqués par le GIE à main levée.
Cependant, la commercialisation des produits du GIE n'a toujours pas "pris son envol" dans le département de Bakel, comme elles l'auraient souhaité. Les savons sont vendus seulement dans les communes de Bakel et Diawara.
"La commercialisation ne marche pas si bien. Il n'y a que certains boutiquiers de Bakel qui font des commandes en petites quantités. Les femmes du GIE prennent aussi des commandes pour aller les revendre", renseigne la présidente du GIE.
"En dehors de Bakel, c'est à Diawara qu'on a un partenaire qui passe des commandes, mais ce n'est plus comme avant", déplore Fatimata Badji. Elle évoque la concurrence d'autres femmes qui s'activent dans la fabrication de savons dans la zone.
Pour réaliser davantage de profits et avoir plus de visibilité, elles ont créé en 2023 une page sur le réseau social Facebook, intitulée "GIE des femmes handicapées de Bakel". A travers cette initiative, elles veulent ainsi donner plus de visibilité à leurs productions pour en tirer plus de profits.
En plus, elles ont reçu en 2023 un appui du Fonds de financement de la formation professionnelle (3FPT) pour renforcer leur formation en saponification, grâce à l'acquisition de matériels de production.
Elles ont reçu également une machine à mélange, des tables de tamponnage, une moto trois roues offertes par leurs partenaires italiens de Volontariato Internazionale per lo Sviluppo (VIS) et de Cooperazione internazional (COOPI), renseigne Dieynaba Ndiaye. Elle sollicite un meilleur accompagnement des pouvoirs publics et des collectivités territoriales.
Un siège, un magasin, une voiture, parmi leurs doléances
La fabrique de savons se trouve en face de la compagnie de gendarmerie de Bakel. Mais, le local ne leur appartient pas. Elles payent chaque mois 25000 francs de loyer pour y exercer leurs activités.
"On n'a pas encore notre propre siège. On est toujours à la recherche d'un terrain" pour notre siège, lance la présidente du GIE des femmes handicapées de Bakel, appelant les autorités territoriales à leur aider à trouver un siège.
"Nous voulons aussi avoir un dépôt pour y mettre notre production (...) et si possible, un véhicule pour transporter nos membres chez elles, nos produits dans les autres communes du département", ajoute-t-elle.