Sénégal: Ndèye Marie Aïda Ndiéguène, ingénieure, environnementaliste, écrivaine - «La science m'intrigue, les lettres me fascinent»

Passionnée de science et de littérature, ingénieure, écrivaine, environnementaliste et activiste pour le climat, Ndèye Marie Aïda Ndiéguène est un brillant esprit.

Cette jeune dame d'une vingtaine d'années a déjà tout d'une grande personnalité et se distingue, aujourd'hui, par son dynamisme dans le milieu scientifique, littéraire et environnemental. Classée dans le top 16 des ingénieurs africains, Ndèye Marie Aïda a déjà reçu de multiples prix littéraires et scientifiques au cours de sa jeune carrière. L'auteure des romans « Le lion en cage » (Éditions L'Harmattan, 2016) et « Gemini » (Éditions L'Harmattan, 2017) compte davantage s'engager au Sénégal dans les années à venir.

Vous êtes auteure de deux romans « Le lion en cage » (Éditions L'Harmattan, 2016) et « Gemini » (Éditions L'Harmattan, 2017), mais aussi lauréate de plusieurs prix scientifiques et littéraires. Comment avez-vous réussi ce mariage entre littérature et science ?

Vous savez, pour moi, il n'y a ni science ni littérature. Il y a simplement le savoir, et le savoir sous toutes ses formes est passionnant et exaltant. Je suis une amoureuse du savoir et cela depuis un très jeune âge. Je suis très curieuse de nature et très passionnée. Je le (mariage) gère très bien, car je travaille essentiellement par passion. Je suis ingénieure par passion et non pas « suivisme ».

J'avais le choix entre différentes options de carrière et si je suis devenue ingénieure c'est parce que j'avais le besoin de trouver des solutions à des problématiques qui m'interpellaient. J'ai fait ce choix de carrière par passion. J'aurais pu aller travailler pour n'importe quel grand groupe de Btp, mais je préfère continuer dans la vision qui m'a poussée à devenir ingénieure. Je suis dans l'optique de la durabilité. Et pour moi, le monde du Btp doit obligatoirement changer et intégrer les défis de notre époque.

Et l'un des défis principaux est environnemental. Je suis écrivaine par passion. En vérité, il a été très difficile, comme je l'ai dit, de choisir une série à l'école. Je me sens tout aussi littéraire que scientifique. J'aime profondément la littérature. Elle est mon identité, car je suis la fille d'une professeure de lettres modernes comme on le dit dans le monde de l'enseignement, de français pour être plus claire. J'ai baigné dans l'univers des livres depuis ma tendre enfance. Il y avait des livres partout. Je les feuilletais avant de pouvoir lire.

Je me réfugiais dans les livres à chacune de mes contrariétés. Je me rêvais écrire des ouvrages. Et comme pour « réparer » l'injustice autour du choix qu'il m'a fallu faire au sein de l'école qui nous « oblige » à choisir entre les lettres et la science, eh bien j'écris. Je remercie encore une fois mes parents pour m'avoir donné cette incroyable éducation...Je suis fière d'être cet être plein de science et de lettres...Environnementaliste par passion, je ne peux vous expliquer ce que je ressens quand je me retrouve au milieu des arbres ... au milieu de la nature. Je ne peux vous expliquer comment je suis révoltée par l'état de nos rues, de nos trottoirs.

Je ne peux vous expliquer mon désarroi face à la mer qui avance inexorablement, face à la biodiversité qui disparaît de jour en jour, face à la pollution...Être environnementaliste, c'est la conviction de toute une vie. Et si j'avais à défendre un projet social pour le Sénégal, ce serait celui de convertir chaque Sénégalais en fervent défenseur de la nature. Nous devons retrouver notre rapport privilégié et ancestral entre l'homme et la nature.

Qu'est-ce ce qui explique cette passion pour les lettres et la science ?

Un environnement familial propice. J'ai grandi dans une famille de passionnés du savoir. Des livres partout, beaucoup de discussions, de débat d'idées, de spiritualité, de découvertes...Je crois que l'environnement familial a beaucoup joué dans mon amour pour le savoir et ce « mariage » entre lettres et science.

Quelle a été l'influence de vos parents dans ce parcours somptueux ?

Mes parents, c'est eux qui sont à l'origine de tout. Je ne saurais comment les remercier de l'extraordinaire éducation qu'ils m'ont offerte. Mon père ne cesse de dire que le meilleur legs que l'on peut laisser à son enfant, ce ne sont pas les biens matériels (une belle maison, une voiture, des terrains...). Le meilleur des héritages c'est une bonne éducation. Je les en remercie infiniment. Je n'ai pas besoin d'un autre bien que l'éducation qu'ils m'ont offerte avec générosité et amour. Je suis née dans une maison pleine de livres. Ma mère est professeur de lettres modernes.

Depuis toute petite, j'ai été entourée d'une ribambelle de livres. J'aime dire que j'ai eu des livres entre les mains avant de pouvoir lire. C'était un environnement merveilleux et ma mère nous installait toujours des bibliothèques avec beaucoup de collections de livres pour enfants. J'ai développé un amour quasiment maladif de la lecture. Mon père est journaliste. C'est un grand amoureux des lettres. À chaque retour de voyages, il nous ramenait des livres sur l'histoire, la culture des pays qu'il visitait. Ça nous émerveillait beaucoup. Nous sommes tous des amoureux des livres dans ma famille.

Vous êtes la première ingénieure civile sénégalaise sélectionnée dans le top 16 du « Africa Innovation Prize ». Qu'est-ce que cela vous fait d'être retenue dans ce cercle restreint ?

C'est un immense honneur d'être reconnue dans mon métier d'ingénieur. C'est une grande fierté d'être le premier ingénieur sénégalais à intégrer le top 16 de l'ingénierie en Afrique. Ce fut une grande consécration pour moi. La « Royal Academy of Engineering », c'est l'une des plus grandes académies d'ingénieurs au monde. Elle est basée au Royaume-Uni et regroupe des ingénieurs qui ont notamment reçu des prix Nobel et qui sont reconnus et adulés dans le monde.

Je suis entrée dans le Top 16 de l'ingénierie en Afrique. Je suis la première ingénieure du Sénégal à entrer dans ce cercle très fermé. C'est un honneur pour moi, mais aussi pour mon pays, qui est un pays de savoir et de science. C'est un honneur et une grande reconnaissance à mon âge et c'est très encourageant par rapport aux recherches que je mène. Je souhaite que l'excellence de l'ingénierie sénégalaise et du génie sénégalais soit connue et reconnue à travers le monde.

Vous êtes à l'origine de « Ecobuilders » dont la particularité est la construction écologique de hangars de stockage pour les agriculteurs. Pourquoi avez-vous trouvé opportun de le mettre en place ?

Parce que c'est mon secteur d'activité, je suis ingénieure en génie civil, il est clair que m'engager dans le secteur du Btp est une sorte « d'obligation » pour moi. C'est notre secteur de prédilection. La construction durable, c'est une forme d'engagement également. Comme je l'ai expliqué plus tôt, pour moi, il est impossible de concevoir le monde sans une « priorisation » de la protection de la nature. L'environnement est, d'ailleurs, au coeur de toutes les préoccupations à l'échelle mondiale. Nous devons construire mieux et de façon beaucoup plus adaptée à nos réalités climatiques. J'invite l'État du Sénégal à s'orienter vers la durabilité. L'avenir c'est la durabilité.

En 2019, vous étiez parmi les 100 jeunes champions du climat...

Oui, ce fut une expérience extraordinaire. Nous étions 100 jeunes représentants autant de pays dans le monde et nous avons représenté nos pays au sein des Nations unies. J'ai représenté le Sénégal et porté un plaidoyer pour la défense de l'environnement. J'ai pris l'étude de cas de l'érosion côtière. C'était impressionnant de nous exprimer devant les présidents de différents pays à travers le monde et d'exprimer mon ressenti. J'aime profondément la nature. Et si j'en avais le pouvoir, le Sénégal serait aujourd'hui un pays vert avec une forte politique environnementale et sociale.

Je porte ce plaidoyer depuis des années à travers le réseau des « Environnementalistes » que j'ai initié et qui a organisé notamment le « Sn Climate Summit », mais aussi le « Mois mondial de l'Environnement », à travers la « Fédération sénégalaise des Acteurs de l'environnement », mais aussi mon entreprise « Ecobuilders Ms ». C'est dans ce sens que l'Onu m'a nominée en 2019 et que depuis lors je fais partie des « Youth Climate leaders » à l'échelle mondiale.

Vos projets sur le court et long terme ?

Alors j'en ai beaucoup, mais je m'y attelle avec beaucoup de patience. Je suis dans l'écriture de deux livres, j'étudie aussi, j'essaye de suivre l'actualité, de réagir à cette actualité. J'aspire à m'engager au Sénégal dans quelques années et pour cela, je m'instruis énormément. J'ai développé une nouvelle passion, notamment pour la psychologie. J'ai un amour profond pour mon pays, pour le Sénégal et j'espère continuer à porter notre étendard encore plus haut. Je remercie encore une fois mes parents, ma famille pour le constant soutien qu'ils m'ont apporté et m'apportent au quotidien.

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