Deux ans après la première édition du Forum sur les changements anticonstitutionnels de Gouvernement, la situation s'est empirée sur le continent. Pour cette seconde édition (18-19 mars à Accra), la Commission de l'Union africaine (Ua) invite les participants à réfléchir sur des alternatives efficaces et durables en matière de gouvernance.
Accra, la capitale ghanéenne, accueille, les 18 et 19 mars, la deuxième édition du Forum de réflexion de l'Union africaine sur les changements anticonstitutionnels de Gouvernement à l'initiative de la Commission de l'Ua. Comme en 2022, lors de la première édition, les organisateurs ont choisi ce « bastion de la démocratie » depuis 1992 pour poursuivre la réflexion sur comment arrêter « l'épidémie » des coups d'État sur le continent. En effet, reconnaît le Président ghanéen Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, venu présider la cérémonie d'ouverture de cette rencontre, deux ans après, la situation s'est « empirée » avec une diffusion des coups d'État du Sahel à la Corne de l'Afrique.
Alors que quatre pays étaient suspendus par l'Ua, en 2022, pour cause de coups d'État, aujourd'hui, ils sont six pour les mêmes raisons. Qu'est-ce qui est à l'origine de cette détérioration vu que la Déclaration d'Accra issue du premier Forum et le Sommet de Malabo préconisaient une « tolérance zéro » face à toute forme de prise de pouvoir anticonstitutionnelle ? C'est à cette vaste question que le Président ghanéen a invité les participants à réfléchir.
Il y a deux ans, presque jour pour jour (le 15 mars 2022), dans cette même salle de conférences de l'hôtel Kempinski, Nana Akufo-Addo, connu pour son franc-parler, y avait tenu un discours mémorable, dénonçant, en plus de la prise de pouvoir par les armes, les « coups d'État civils » à travers des tripatouillages constitutionnels. Aujourd'hui, il dénonce l'impuissance des dirigeants africains. « Les institutions multilatérales ne peuvent être efficaces que lorsque nous nous engageons à mettre en oeuvre leurs recommandations, même si notre souveraineté est mise en mal », dit-il.
Dans l'immédiat, Nana Akufo-Addo invite à prendre en charge les situations d'urgence comme le Soudan, en proie à une sanglante guerre civile. Il s'interroge ainsi sur l'efficacité des réponses adoptées jusque-là. « Nous avons fait des progrès pour faire face aux changements anticonstitutionnels de Gouvernement, mais nous faisons encore face à des défis importants », soutient Emilia Mkusa, Présidente du Conseil de paix et de sécurité de l'Ua. Le Président ghanéen « défie » alors la Commission à « faire plus ».
Crise de gouvernance
Sur les causes de la recrudescence des coups d'État, les participants s'accordent sur la crise de la gouvernance qui entraine une frustration des populations les poussant à applaudir la prise de pouvoir par les militaires. À cela s'ajoutent d'autres défis comme le changement climatique, la démographie ou encore les tensions géopolitiques qui ont des répercussions sur le continent.
Jugeant l'état de la démocratie « préoccupante » en Afrique, Cynthia Chigwenya, représentante de la région des Grands Lacs au Conseil de paix et de sécurité de l'Ua, remet toutefois cette crise dans un contexte global de déclin démocratique dans le monde. Pourtant, les études, dont celles de la Fondation Koffi Anan, montrent qu'une écrasante majorité des Africains restent attachés à la démocratie, la préférant à toute autre forme de gouvernance.
Les mêmes études montrent également que ces populations, notamment les jeunes, ont soif de changement. Au final, les Africains sont pour la démocratie, mais ils ne sont pas satisfaits de la démocratie qu'ils reçoivent. Autrement dit, il y a une lassitude d'une « démocratie compétitive » qui se limite aux urnes, entrainant, le plus souvent, un changement sans changement des conditions matérielles dans la vie des populations. « L'Afrique, un continent en pleine transition, a besoin d'institutions fonctionnelles et bien établies pour faire face aux nombreux défis.
Une meilleure gouvernance est l'antidote des coups d'État », assure Cynthia Chigwenya, faisant écho à un panéliste qui se demande si les jeunes sont désormais plus heureux au Mali et au Burkina Faso. L'Afrique de l'Ouest qui, jusqu'à un passé récent, faisait figure de modèle en matière de démocratie, a connu un net recul. Selon Damtien Larbi Tchintchibidja, Vice-présidente de la Commission de la Cedeao, sa structure travaille pour finaliser le protocole de 2001 afin de répondre, de façon proactive, aux changements anticonstitutionnels de Gouvernement.