Handicap et parasport
Une fois les Jeux paralympiques achevés, la flamme continue-t-elle de brûler? Perception du handicap, développement du parasport, couverture médiatique des disciplines: à Londres, Rio et Tokyo, l'événement a suscité son lot de progrès, avec plus ou moins de succès.
Dernier pays à avoir accueilli les Jeux paralympiques, en 2021 à Tokyo, le Japon est selon le président du Comité international paralympique (IPC) Andrew Parsons "une société très avancée" en termes d'accessibilité dans les transports, où l'évolution liée aux Jeux s'est davantage jouée dans le regard porté envers le handicap.
La médiatisation des Paralympiques y avait atteint des niveaux inédits, avec environ 700 heures d'antenne.
La médiatisation des Paralympiques y avait atteint des niveaux inédits, avec environ 700 heures d'antenne
Pourtant, selon une enquête de l'Association japonaise des sports paralympiques (JPSA) publiée en 2022, plus de 62% des personnes interrogées ont déclaré ne pas avoir regardé la compétition. Selon un autre sondage du gouvernement métropolitain de Tokyo (TMG), l'intérêt des Tokyoïtes pour le parasport a légèrement augmenté en 2021 avant de diminuer l'année suivante.
La ville s'est depuis fixé comme objectif de hisser le pourcentage de personnes handicapées pratiquant du sport dans la capitale à 50% en 2030, alors qu'il s'élevait à 35% en 2022 selon le TMG, un chiffre en légère augmentation par rapport à 2018.
En mars 2023, un "Tokyo parasports training centre" a notamment ouvert ses portes, et selon un groupe de recherche de la Nippon Foundation Parasports Support Centre, le nombre d'installations sportives spécialisées a progressivement augmenté même si elles restent encore rares.
Malgré ces progrès, du côté de la Fédération de rugby fauteuil, on espère encore une meilleure prise en compte des besoins des sportifs. "Même si la compréhension à l'égard des personnes handicapées a progressé, celle à l'égard des athlètes est encore loin d'être mûre", estime son porte-parole Ryunosuke Aota.
Ville-hôte des Jeux en 2016, Rio a alors découvert, ou presque, l'existence du parasport: avant, "beaucoup de gens ne savaient même pas que les Jeux paralympiques existaient", résume le vice-président du Comité paralympique brésilien Yohansson Nascimento.
"C'est à domicile que les compétitions paralympiques ont été mises en lumière et sont entrées dans le radar des Brésiliens", abonde une étude publiée en 2021 par l'institut de sondage Esentia Inteligência.
Mais cinq ans plus tard, plus de la moitié du panel interrogé (57%) déclare ne pas avoir suivi l'actualité des Jeux paralympiques de Tokyo.
Sur le plan sportif, près de neuf athlètes et ex-athlètes (88%) interrogés pour un sondage du Sénat brésilien réalisé en 2017 jugent alors que les investissements dans le sport paralympique au Brésil restent insuffisants. Un point positif tout de même: selon la moitié de ce panel, la pratique chez les personnes en situation de handicap a augmenté.
Le Centre paralympique brésilien construit à Sao Paulo ou la création de Jeux paralympiques scolaires font partie des legs tangibles de ces Jeux, mais selon M. Nascimento, le plus grand défi est de généraliser la pratique dans un "pays à dimension continentale": "Je suis sûr que dans beaucoup de municipalités, les personnes en situation de handicap ne connaissent toujours pas l'existence du parasport".
Les Jeux de Londres, en 2012 ont fait entrer le mouvement paralympique dans une autre dimension, avec une affluence et une couverture médiatique jamais observées jusqu'alors. Ils font figure d'exemple à suivre pour Paris.
L'IPC considère par exemple la série-documentaire "Superhumans", produite par le diffuseur britannique des Jeux Channel 4 et mettant en scène les paraathlètes britanniques, comme décisive pour la promotion du parasport.
Les taux de remplissage impressionnants dans les tribunes du stade olympique restent aussi en mémoire, et dix ans plus tard, un sondage mené par le ministère des Sports britannique montrait que 70% des personnes interrogées estimaient que Londres-2012 avait eu un effet positif sur les attitudes à l'égard des personnes en situation de handicap.
Ces Jeux avaient pu bénéficier d'une tête de gondole inédite en la personne du sextuple champion paralympique sud-africain Oscar Pistorius (deux titres à Londres), qui avait pris part aux JO quelques semaines avant. La réputation du sprinter --condamné ensuite pour l'homicide en 2013 de sa compagne-- avait permis de sortir de leur confidentialité habituelle les Jeux paralympiques.
"Londres-2012 a été un événement incroyable", a reconnu la baronne Tanni Grey-Thompson, 11 fois championne paralympique en athlétisme et membre de la Chambre des Lords, tout en soulignant qu'il était difficile d'espérer que les Jeux puissent apporter "tous les changements sociaux dont les personnes handicapées ont besoin" au Royaume-Uni.