Sénégal: A Keur Massar, la distribution gratuite de 'ndogou' se fait à coeur joie

Dakar — A Keur Massar, dans la banlieue dakaroise, la préparation du "ndogou" (rupture du jeûne, en wolof) mobilise les résidents dans plusieurs quartiers où ils sont nombreux à se porter volontaires pour préparer et offrir gratuitement ce repas de rupture du jeûne aux démunis et aux passants n'ayant pas pu regagner à temps leur domicile.

Maguette Ndiaye, vêtu d'un patchwork, la tunique typique des "Baye Fall", un chapeau de paille sur la tête, attire l'attention par le cliquetis des pièces de monnaie de sa sébile. Les aumônes recueillies serviront à préparer des sandwiches, du café Touba et à acheter des dattes.

"Nous sommes des Baye Fall. Et pour qui connaît notre mode de vie, sait que distribuer de la nourriture nous rend très heureux. C'est ce que nous a enseigné notre guide Cheikh Ibrahima Fall pour qui, quiconque cherche l'agrément de Dieu doit rendre service aux humains", philosophe Maguette Ndiaye, la mine joyeuse.

Avec ses amis et condisciples, ils ont mis sur pied une association dénommée "Torino Garage" et regroupant des conducteurs d'automobiles.

Depuis le lancement de l"'initiative ndogou" il y a quatre ans, ils s'assurent que "toutes celles et ceux qui passent par là au moment de la rupture ont de quoi rompre le jeûne".

Des dépenses de 30 000 francs CFA par jour

Pour distribuer le maximum de repas, de café et de dattes, Maguette Ndiaye indique que l'association dépense quotidiennement autour de 30 000 francs CFA. "Cette somme nous permet de nous procurer entre neuf et dix kilogrammes de sucre, six kilogrammes de café Touba, des baguettes de pains, du beurre, des dattes, ainsi que des sachets d'eau", détaille-t-il.

Presque dans chaque quartier de Keur Massar, plusieurs volontaires s'activent dans la distribution gratuite de repas dans une ambiance bon enfant.

Des jeunes réunis dans une structure dénommée "Akhlou Café Gui" s'investissent, eux aussi, dans cette action de charité exaltante. Cela fait onze ans qu'Aziz Coly et sa bande distribuent gratuitement de la nourriture pendant le mois de ramadan à la cité Darou Salam 2.

Dans une sorte de kiosque fait de zinc, ils préparent du café Touba, du kinkéliba et du thé dans de grandes marmites noircies par le contact constant avec le feu. "Les activités sont financées sur fonds propres en plus des donations que font ça et là des bonnes volontés", précise Aziz Coly.

"Au 20e jour du mois de Ramadan, nous prévoyons d'organiser un vrai festin, des repas plus consistants, que nous allons distribuer ici dans la cité et même dans les environs", dit-il.

Possible scepticisme sur la réelle destination de l'aumône collectée

Pour ce faire, Aziz Coly et son ami Mamadou Konaté s'y préparent déjà, sachant que cela nécessite des moyens financiers plus conséquents. "Mon ami et moi cotisons tous les jours pour obtenir le minimum requis pour la préparation du ndogou. Mais, j'avoue que c'est parfois très difficile. Les gens peuvent être très sceptiques à l'idée de nous donner leur argent, croyant peut-être qu'il ne servira pas réellement à préparer le ndogou que nous distribuons", conjecture Mamadou Konaté.

Malgré les difficultés, lui et ses amis tirent beaucoup de satisfaction de cet acte de bienfaisance. "Nous n'attendons ni récompense ni gratitude de ce que nous faisons. Il s'agit d'une initiative désintéressée que nous organisons depuis trois ans et, si Dieu le veut, nous la perpétuerons", promet-il.

Un optimisme partagé par Dame Bamba et ses amis qui opèrent de l'autre côté de la cité Darou Salam 2. Il confie que des innovations ont été apportées depuis le début de leur initiative, il y a sept ans. "Auparavant, nous utilisions du feu de bois pour cuisiner. Maintenant, nous le faisons avec des bonbonnes de gaz", se réjouit-il, ajoutant qu'ils ont augmenté le montant de leurs cotisations.

Les femmes aussi jouent leur partition

Cette année, Dame Bamba et ses amis ont choisi de joindre l'utile à l'agréable en diffusant, lors de la distribution de la nourriture, de la musique religieuse grâce à une chaîne à musique. Le but de cette nouveauté est, selon lui, de les aider à redoubler de motivation. "En tout cas, les passants apprécient cette animation religieuse", sourit Dame Bamba.

Dans cet acte de générosité porté surtout par des hommes, Arame Diop apparaît comme l'exception qui confirme la règle. Elle est l'initiatrice du concept "Ndogou Téranga". Elle dit se plaire fortement dans ce dévouement envers les autres, encouragée par ses voisins de quartier à Keur Massar. Mais elle dit ne rechercher que la grâce divine. Car selon elle, "l'acte le plus noble et glorieux est celui effectué pour plaire à Dieu".

"Tout effort fourni ici-bas, par la grâce du Tout-puissant, sera rétribué au centuple dans l'au-delà", rappelle-t-elle.

A près de 15 jours de la fin du ramadan, les distributeurs de ndogou ont encore autant de jours pour rentrer dans les bonnes grâces de leur Seigneur.

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