Et pourtant l'article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques impose que « tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l'article 2 et sans restrictions déraisonnables.»
«Ma santé se dégrade chaque jour. Je suis exposé au soleil. Je vends les denrées alimentaires pour pouvoir subvenir au besoin de ma famille. Invalide, mon mari m'a abandonné avec les enfants. Il est rentré au village. Je suis obligée de m'exposer au soleil pour vendre. C'est difficile, c'est pénible. Je veux bien être installé dans un comptoir confortable par la commune. Mais que faire ? ».
Cette complainte est exprimée par Madeleine, commerçante à la 5eme rue du quartier Nylon à Bafoussam, Madeleine, 49 ans bien sonnée, soufre d'albinisme. Ses yeux clignent à tout bout de temps et vers tous les champs... Sa peau est peu reluisante. Elle exprime son impuissance face au « triple péril » qui ponctue sa vie quotidienne : celui d'être une femme, de vivre avec un handicap et de manquer d'éducation et de moyens financiers. Ce sont des facteurs qui empêchent les femmes handicapées de participer à des activités politiques et communautaires.
"Nous sommes exclus de processus de décision "
Reste que Madeleine déclare être inscrite sur une liste électorale auprès de l'antenne communale d'Election's Cameroun(Elecam) dans la commune de Bafoussam IIème. « Je vote régulièrement. Parfois mon nom apparait sur la liste de l'un des bureaux de vote logés dans l'enceinte du Coplano(Collège privé Alfred Nobel) ou dans l'une des salles de l'école des infirmiers de Bafoussam.
J'habite non loin de là », confie-t-il. Cependant, celle-ci se plaint de voter par automatisme. « Sur prés de 10 femmes albinos que je fréquente, je suis la seule qui vote. Je vote aussi comme çà. Les programmes des partis ne prennent pas en considérations les besoins des personnes atteintes d'albinisme. Nous sommes exclues de processus de décision », déplore-t-elle.
Albinos, militant politique et candidat au conseil municipal de la commune de Bafoussam IIème dans les rangs du Front social démocrate (Sdf en anglais) pour le compte des élections municipales de février 2020, Joseph Teu, indique avoir entamé, depuis début 2024, une campagne de sensibilisation à l'endroit des femmes atteintes d'albinisme afin qu'elles s'inscrivent sur les listes électorales.
« J'ai sensibilisé une dizaine des femmes albinos, seules 03 se sont inscrites. Les autres manifestent leur manque d'affection vis-à-vis du jeu électoral. Je vais continuer à les sensibiliser. Car je suis déterminé à être à nouveau candidat au conseil municipal pour défendre leurs droits et plaider pour que le conseil municipal prenne en considération les besoins des femmes albinos lors de l'élaboration et du vote des délibérations », explique-t-il.
La non pris en compte des besoins spécifiques de ces personnes en situation de handicap n'est pas la seule cause de leur non implication dans la vie politique à travers les inscriptions sur les listes électorale. Selon Hannah Loryman, s'exprimant sur https://iknowpolitics.org/, une étude réalisée au Cameroun a révélé que les taux de possession d'actes de naissance et de certificats de naissance sont faibles et que les femmes handicapées sont moins susceptibles de posséder un acte de naissance que les hommes - ce qui crée des obstacles importants à la participation politique.
De même, les participants soulignent le manque d'éducation de qualité disponible pour les personnes handicapées, en particulier les femmes, ce qui contribue à réduire leurs conditions socio-économiques. La pauvreté affecte les femmes handicapées de manière disproportionnée, recalant la participation politique au deuxième rang de leurs priorités. Leur participation politique peut même s'avérer impossible lorsque des contributions financières sont nécessaires pour rejoindre des organisations politiques, comme c'est le cas au Cameroun.
Leadership et mentoring
Ce qui, affirme Joseph Teu, est contraire à l'article 25 Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ce texte dispose en effet : « Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l'article 2 et sans restrictions déraisonnables:
a) De prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis;
b) De voter et d'être élu, au cours d'élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l'expression libre de la volonté des électeurs;
c) D'accéder, dans des conditions générales d'égalité, aux fonctions publiques de son pays. »
En vue d'oeuvrer pour la promotion des droits en question au Cameroun, une campagne de sensibilisation, leadership et mentoring pour une meilleure participation des femmes en situation de handicap a la vie est lancée par l'association dénommée « HANDICAPÉS ET FIERS » dont le siège est à Douala. Cette organisation, soutenue par XOESE : Le Fonds pour les Femmes, est préoccupée par le manque d'information sur les dispositions prévues en matière d'accessibilité et d'aménagements à toutes les étapes du processus électoral afin de permettre aux personnes handicapées de sexe féminin d'exercer plus facilement leur droit de vote, ainsi que par le nombre restreint de personnes handicapées postulant ou accédant à des fonctions publiques électives.