Deux mois avant l'ouverture de la campagne électorale, Tata tirait des plans sur la comète. Pour sûr qu'elle serait fortunée. Elle avait vite fait de sortir son boulier, se disant que si les Asiatiques dominent le commerce mondial, ils le doivent à leur système de calcul. L'entrechoquement des boules était doux à son oreille. Tata élabora son propre business-plan qui ferait d'elle le magnat de la location de chaises, de chapiteaux VIP.
Une vingtaine de candidats pour le fauteuil présidentiel, à raison d'un méga meeting par jour à multiplier par vingt-un jours de campagne électorale, il y a de quoi exhiber ses trente-deux dents dans un large sourire. Elle avait procédé à de lourds investissements : tapis rouge, fauteuils mordorés pour le candidat et ses proches collaborateurs, décorations, confettis, ballons de toutes couleurs. A la devanture de sa maison, une grande banderole annonçait: « Grand meeting, Grand président. Le peuple sera avec toi grâce aux chaises et bâches de Tata » Au-dessus de l'affiche, les portraits des chefs religieux de tout bord en posture de prière, histoire de corroborer ce qui est dit sur l'affiche.
Mais Tata n'avait pas vu venir le jeu de yoyo que faisait la fixation de la date de l'ouverture de la campagne, d'abord annoncée puis reportée avec réduction de la durée. Pis que jamais pour Tata qui avec amertume trouvait qu'il y avait une entente tacite entre les candidats pour saper son commerce en n'organisant pas de méga meeting, mais à la place, du porte à porte. Une caravane s'était arrêtée à sa porte pour distribuer flyers et effigie du candidat. Elle fut accueillie par une trombe d'eau accompagnée de ces quelques mots : « Morne campagne. Pas de meeting, pas de distribution, pas de porte à porte » Et vlan ! Je vote bulletin blanc.