,37 millions d'électeurs ; 16440 bureaux de vote ; 17 candidats ; 14 milliards de FCFA comme budget prévisionnel ; plus de 2600 scrutateurs : telles sont les principales données du scrutin emblématique pour l'élection du 5e président du Sénégal depuis 1960.
Ce scrutin est emblématique pour les mille et une incertitudes qui ont entouré son organisation, sa tenue et les mille et une autres sur son issue. Amadou Ba, le dauphin désigné du président sortant, l'emportera-t-il dès le premier tour ou bien un second tour est inévitable ? Si oui, contre qui ? Diomaye Faye, le candidat de substitution au truculent Ousmane Sonko ? Kalifa Sall, le bien connu ancien maire de Dakar ? Ou l'expérimenté Idrissa Seck, ancien Premier ministre d'Abdoulaye Wade ?
Le 1er tour de cette présidentielle sénégalaise est si porteur d'équations à plusieurs inconnues que certains analystes parlent d'une élection de tous les possibles, d'un scrutin sauvé des eaux, d'une démocratie qui revient de loin. De fait, qui eût cru, il y a un mois, que les Sénégalais iraient aux urnes ce 24 mars, qui plus est dans un calme plat et avec engouement, à en croire les files d'attente hier matin devant les bureaux de vote ?
Si le dépouillement et la proclamation des résultats se font dans cette atmosphère de paix sociale, le Sénégal nous aura bluffés jusqu'au bout sur sa stabilité institutionnelle. Elle est assurément la résultante, cette stabilité, d'un alliage de force et de souplesse des institutions républicaines. Elles ont plié mais n'ont pas rompu sous les coups de boutoir de violentes contestations de la rue, de procès politiques et d'un report sine die de la présidentielle, le 3 février dernier.
Mais la seule hirondelle de la démocratie sénégalaise ne saurait faire le printemps d'une région ouest-africaine qui interroge l'histoire et la géopolitique actuelle sur l'obsolescence du Discours de la Baule, la nécessité d'une nouvelle relation avec les partenaires bilatéraux et multilatéraux pour s'inventer de meilleures perspectives. C'est pourquoi on scrutera encore et encore l'exemple sénégalais après le scrutin d'hier.
D'ores et déjà, on y voit un des candidats recalés à cette présidentielle, Karim Wade, et au-delà de sa personne, le Parti démocratique sénégalais (PDS), qui n'est pas tombé dans l'acrimonie criticiste de cette élection où il avait toutes les chances. Ailleurs, d'autres opposants auraient brandi l'arme du boycott actif, appelant leurs partisans à "empêcher par tous les moyens cette farce démocratique". Ousmane Sonko avait aussi de bonnes raisons de ne pas se satisfaire d'une amnistie qui ne le qualifie pas à concourir à cette présidentielle.
Mais lui et ses partisans ont fait contre mauvaise fortune bon coeur. Ils appellent plutôt les Sénégalais à sanctionner le dauphin de Macky Sall dans les urnes. Et pour s'en donner toutes les chances, ils tendent la main à tous les opposants, particulièrement à Karim Wade. Amadou Ba, le candidat du pouvoir, courtise également Karim Wade. Des sollicitations tous azimuts qui ont amené Abdoulaye Wade en personne à faire une lettre ouverte, appelant les Sénégalais à voter pour Diomaye Faye, le porte-fanion d'Ousmane Sonko.
Généralement, c'est au second tour de l'élection que de telles tractations pour un possible report des voix des électeurs se font. Mais il faut croire qu'aussi bien chez le candidat du pouvoir, qui veut plier le match en un coup K-O, que chez Dimaye Faye, qui veut un ballotage fatal à l'adversaire au second tour, il y a une stratégie anti- procrastination. De là à dire qu'on coiffe Karim Wade d'une couronne de faiseur de roi avant l'heure, il y a un pas...