Afrique: Les inégalités se creusent entre pays riches et pays pauvres

L'indice de développement humain (IDH) calculé par les Nations unies progresse moins vite dans tous les pays, mais l'écart entre les moins développés et les plus avancés s'accroît. Une situation qui a des conséquences géopolitiques majeures.

Alors qu'émerge la notion de « Sud global », un rapport du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) confirme que les inégalités mondiales sont reparties à la hausse. Ce rapport donne un aperçu de l'évolution de l'IDH, un indicateur qui tente d'aller plus loin que le seul produit intérieur brut (PIB) par habitant pour tenter de construire un état réel du développement. Cette mesure ajoute au revenu national brut par habitant un indice de scolarisation et l'espérance de vie à la naissance. L'IDH est loin d'être parfait, mais il permet de mesurer des conditions de vie un peu plus réalistes dans une perspective de développement. Cet indicateur, qui était en amélioration constante depuis 20 ans, a été très affecté par la pandémie du coronavirus, subissant en 2020 et 2021 un recul notable en raison des conséquences conjuguées du recul de l'espérance de vie, de la suspension de la scolarisation et de la chute des PIB.

Un développement mondial à l'arrêt En 2022 et 2023, l'IDH mondial s'est redressé et devrait atteindre un niveau plus haut historique à 0,739. Mais derrière ce record apparent, il y a deux problèmes majeurs. D'abord, l'IDH mondial 2023 n'a dépassé que d'un cheveu celui de 2019. Si on prend la tendance 2009-2019, le niveau de 2023 se situe plus de dix points en deçà du niveau potentiel de l'IDH. Le rapport souligne que « tous les pays sont sous la tendance de 2009-2019 ». Il existe donc un affaiblissement structurel de la tendance de développement mondial, qui peut se traduire par l'autre face de ce « record » : la quasi-stagnation de l'indice global pendant quatre ans. Un tel coup d'arrêt ne sera pas aisément récupérable et le rapport du Pnud met en garde : « Si la valeur de l'IDH mondial continue d'évoluer en dessous de la tendance d'avant 2019, comme c'est le cas depuis 2020, les pertes seront irréversibles ».

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Le creusement des inégalités entre pays À cet épuisement global s'ajoute un autre fait, encore plus préoccupant : l'écart se creuse entre les pays à fort IDH et les autres. Pendant vingt ans, cet écart s'était réduit. Depuis 2020, il se redresse. Et, pire, la divergence semble s'accélérer. Les inégalités entre pays riches et pays pauvres auraient ainsi, selon ce critère, perdu pas moins de dix ans et seraient revenues au niveau de 2015.

Alors que tous les pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques ont retrouvé en 2023 leur niveau d'IDH de 2019, ce n'est pas le cas de 51 % des pays les moins avancés. Ce creusement des inégalités mondiales appréhendées par l'IDH se traduit dans les faits ces dernières années. Certains pays ont été rudement touchés par la vague d'inflation, puis par les politiques néolibérales mises en place en réponse avec la bénédiction du Fonds monétaire international: l'Argentine, où la pauvreté explose, le Nigeria, où la faim menace une partie notable de la population, ou encore l'Egypte, qui vient de céder aux demandes du Fonds de Washington.

Crises de la mondialisation capitaliste Un peu partout, la crise est palpable et pose des enjeux clairs de développement. La perspective d'un grand rattrapage ou d'une grande convergence des économies vers les standards occidentaux semble disparaître. Au reste, elle ne semble pas souhaitée par les économies occidentales. Par ailleurs, la situation est critique. La crise écologique pose la question de la soutenabilité d'une telle convergence mondiale.

Si la première phase de la mondialisation pouvait laisser penser que les inégalités mondiales allaient se résorber, ce régime est entré en crise en 2008 et cette crise est bien le produit de l'ouverture des marchés. Une nouvelle phase des relations économiques mondiales s'est ouverte avec le début de la décennie 2020. Une partie des pays riches tente de reprendre la croissance transférée aux pays les plus pauvres, parce que ceux-ci les menacent désormais. Les inégalités mondiales repartent à la hausse et distribuent les cartes politiquement.

Un monde plus dangereux Le rapport rappelle qu'avant la pandémie, malgré la hausse des indices de développement et la baisse des indices de pauvreté, « les individus faisaient état partout dans le monde de niveaux élevés de stress, d'inquiétude et de tristesse ». Des niveaux qui ne pourront qu'augmenter avec la baisse des indices minimaux de développement comme l'IDH. À cela s'ajoutent les effets de la crise climatique et des tensions géopolitiques qui touchent massivement ces pays en développement. La crise écologique et la crise du capitalisme frappent donc durement les pays qui ne sont pas dans la sphère occidentale. Cela se traduit par un soutien à des options autoritaires. Le rapport souligne que, pour la première fois, la moitié de la population mondiale soutient des dirigeants « susceptibles de saper l'idéal démocratique ». Jusque dans les années 2010, les inégalités mondiales se réduisaient, mais les inégalités intérieures aux pays explosaient. Désormais, les inégalités mondiales se creusent à nouveau et les inégalités internes continuent d'augmenter.

La notion de Sud global découle naturellement d'une telle situation. Le « modèle » occidental n'a plus l'attrait d'autrefois. Non seulement il offre moins de perspectives de développement, mais il ne permet pas de garantir un développement futur harmonieux. Les pays en développement ne peuvent donc qu'être sensibles à un discours promettant un développement plus centré sur les besoins de la population, mais aussi une défense contre les prédations et les leçons venues de l'Occident. Le problème, c'est que les promoteurs de ces perspectives demeurent enfermés dans leurs propres contradictions économiques et ont aussi des visées impérialistes.

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