Dakar — "Une grande preuve de démocratie de la part des Sénégalais" déclare à l'Agence Fides le Père Bruno Favero, missionnaire OMI au Sénégal depuis 30 ans, en commentant la victoire électorale de l'opposant Bassirou Diomaye Faye (voir Fides 25/3/2024) qui, jusqu'à il y a 10 jours, était encore en prison.
Bien que les résultats officiels du scrutin du 24 mars n'aient pas encore été publiés, Faye a été reconnu vainqueur par tous les autres candidats, y compris le Premier Ministre Amadou Ba et le Président sortant Macky Sall.
"Je m'engage à gouverner avec humilité, dans la transparence, en favorisant la réconciliation nationale", a déclaré M. Faye. "Une partie importante des ressources de la nation sera utilisée pour réduire leurs souffrances et leur manque d'attentes", a poursuivi le président élu, soulignant la nécessité de "libérer les énergies créatrices de chaque Sénégalais".
"La vieille classe politique est sortie, rejetée par le vote populaire, en particulier celui des jeunes qui veulent un changement profond dans le pays", a déclaré le père Bruno.
Cependant, une fois passée l'euphorie de la victoire électorale, il faudra voir comment se comportera le nouveau président", dit le missionnaire. "Il y a plusieurs questions à régler", explique le père Bruno. "Tout d'abord, la relation entre Faye et son parrain, Ousmane Sonko, le leader du parti Pastef, qui n'a pas pu se présenter aux élections parce qu'il a été définitivement condamné par la Cour suprême. Faye s'est présenté à sa place, avec le slogan "Ousmane est l'égal de Faye et Faye est l'égal d'Ousmane".
Mais comment ce dernier va-t-il se comporter ? Voudra-t-il être le "grand conseiller" du président dans les coulisses ? Dans ce cas, comment Faye réagira-t-il, se pliera-t-il à ses exigences ou tentera-t-il d'évincer ceux qui lui ont permis d'accéder à la présidence ? demande le père Bruno. "Une réponse possible pourrait être la création de la figure jusqu'ici manquante du vice-président, comme le prévoyait le programme électoral de M. Faye. Si ce rôle est créé, il pourrait être assumé par Ousmane", ajoute le missionnaire.
Une autre inconnue concerne la réaction de l'appareil d'État au vent de changement que le nouveau président a promis d'imposer", poursuit le père Bruno. De plus, Faye ne dispose pas d'une majorité stable car les élections législatives auront lieu dans quatre ans. Le parlement est toujours celui qui a soutenu le président sortant, Sall. Il est vrai qu'il y a ici ce qu'on appelle le phénomène de transhumance, c'est-à-dire le mouvement des députés vers le pouvoir, mais il reste à voir comment le chef de l'Etat nouvellement élu parviendra à gagner le soutien du Parlement".
Enfin, conclut le missionnaire, "il faut voir comment Faye évoluera dans le domaine économique par rapport aux contrats déjà signés avec des multinationales occidentales pour l'exploitation des réserves de gaz et de pétrole récemment découvertes au Sénégal".