Burkina Faso: Le paradoxe burkinabè

Le Conseil des ministres en date du mercredi 20 mars dernier a adopté un projet de loi portant relecture du Code minier en vigueur jusque-là, afin « de disposer d'un instrument juridique solide et actualisé pour mieux encadrer le secteur minier et générer davantage de recettes au profit de l'Etat ». Sans aller dans tous les détails, on note par exemple l'augmentation de la participation de droit de l'Etat au capital des sociétés d'exploitation qui passe de 10 à 15%.

Cette décision qui tombe comme une pluie bienfaisante en carême si tant est que l'opinion publique burkinabè a toujours nourri le sentiment diffus que « dans cette affaire d'exploitation minière », notre pays apparaissait comme le dindon de la farce au vu des maigres royalties qu'il engrangeait et conséquemment des retombées de celle-ci sur le développement socioéconomique du Burkina Faso. Conscient de cette maldonne, le gouvernement a décidé de prendre le taureau par les cornes, dans le droit fil de la pensée qui veut que l'Etat est un produit de la société à un stade de son développement et de ce fait, doit oeuvrer à contenir les antagonismes de classes afin que les intérêts économiques opposés ne se consument pas en une lutte stérile destructrice.

C'est dans son rôle historique et son devoir d'instrument du développement à ce stade de notre histoire que l'Etat burkinabè entend donc s'assumer pleinement pour le bonheur des populations laborieuses. A travers ce projet de loi, c'est la création d'un ordre qui affermit et légalise la « domination » de l'Etat, tout en modérant le conflit des classes. Pendant longtemps, nos Etats sont restés dans la « bien-pensance » des organismes d'aide (?) au développement qui ont toujours fait du privé, le moteur de notre émergence économique et sociale avec les réalités que l'on sait.

C'est qu'au regard des contingences auxquelles nos Etats sont actuellement en butte, le privé à lui seul ne peut être le facteur et le vecteur du décollage économique. Manque d'infrastructures routières, sanitaires, éducatives, état d'arriération marqué du secteur primaire et végétatif de celui secondaire, autant de gaps qui nécessitent un volontarisme encore plus poussé sous nos tropiques. Le rôle de l'Etat se pose donc comme un problème d'action immédiate, d'action de masse, pour bouleverser qualitativement les statistiques.

Il faut donc se départir des conceptions tendant à faire croire que cette décision va tuer la poule aux œufs d'or pour se projeter dans une vision prospective plus réjouissante pour les grands indicateurs macro-économiques du pays. Pour un pays producteur d'or qui ne dispose pas d'un gramme d'or comme réserve, il faut avouer que cela est paradoxal. Ce d'autant que des pays « secs » en la matière ne cessent de s'enorgueillir de leurs réserves substantielles. La roue doit tourner enfin au profit de nos populations, et, seul ce capitalisme d'Etat intelligent et bien conduit permettra cette occurrence. L'heure est venue de se coucher sur notre propre natte.

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