Burkina Faso: Construction d'une centrale nucléaire au Burkina - « Les experts locaux doivent jouer un rôle majeur », Giovanni Ouédraogo, ingénieur en génie civil nucléaire

interview

Ingénieur en génie civil nucléaire, Giovanni Ouédraogo est spécialisé dans la construction d'infrastructures nucléaires, telles que les centrales nucléaires et les centres d'entreposage de combustibles nucléaires. Passionné par les sciences et le secteur nucléaire, il aborde, dans cet entretien accordé à Sidwaya, cette source d'énergie, son importance et la manière dont elle peut propulser le développement du Burkina Faso.

Sidwaya (S) : Comment est né votre amour pour la science et le domaine nucléaire ?

G.O. : Mon amour pour la science est né un peu par rapport au contexte de nos pays qui sont en développement et qui ont du mal à accéder aux différentes sources énergétiques. C'est pourquoi, je me suis orienté en génie civil. J'ai commencé à l'Institut international de l'eau et de l'environnement (2IE) puis j'ai terminé à l'Ecole centrale de Lyon où, j'ai pu me spécialiser dans tout ce qui est ouvrage de reproduction d'énergie notamment les ouvrages à but d'exploiter l'énergie nucléaire.

S : Qu'est-ce qu'une centrale nucléaire ?

G.O. : Une centrale nucléaire est une installation industrielle de pointe conçue pour produire de l'électricité à grande échelle, en exploitant l'énergie libérée par la fission nucléaire. Au coeur de cette technologie se trouve le réacteur nucléaire, une véritable prouesse d'ingénierie où des atomes sont scindés sous contrôle strict, générant ainsi une chaleur intense. Cette chaleur est ensuite utilisée pour produire de la vapeur d'eau, qui actionne des turbines et des générateurs, convertissant l'énergie thermique en électricité. Au-delà de son rôle énergétique, une centrale nucléaire incarne l'harmonie entre la science avancée et la volonté humaine de forger un avenir durable, en fournissant une énergie propre, fiable et capable de soutenir le développement industriel et économique du Burkina Faso sans compromettre notre environnement.

S : Combien de temps faut-il pour réaliser une centrale nucléaire ?

G.O. : La réalisation d'une centrale nucléaire est un processus qui demande une planification et une exécution méticuleuses, influencées par les compétences disponibles et le rythme de travail adopté. De manière générale, la construction d'une centrale nucléaire traditionnelle nécessite entre 10 et 15 ans, une période qui inclut les études préliminaires, l'obtention des autorisations, la construction elle-même et les essais avant la mise en service. Pour les centrales nucléaires de plus petite taille ou modulaires, le temps nécessaire peut être réduit à environ 5 ans grâce à des méthodes de construction plus innovantes. Concernant le budget, l'investissement pour une centrale nucléaire standard se situe généralement entre 5 et 20 milliards d'euros, une fourchette qui reflète la complexité et l'envergure du projet.

S : Un projet nucléaire au Burkina, est-ce réaliste ?

G.O. : Absolument, c'est une perspective tout à fait réalisable. A l'ère actuelle, l'application de l'énergie nucléaire s'étend bien au-delà des centrales électriques, alimentant même des bateaux et des sous-marins. Cela démontre la polyvalence et l'accessibilité de cette technologie. Ainsi, le Burkina Faso, avec les bonnes stratégies et partenariats, est en position de tirer parti de l'énergie nucléaire pour son développement.

S : Quels sont les atouts pour le Burkina de se doter d'une telle énergie ?

G.O. : L'énergie nucléaire présente de grands avantages pour le Burkina. D'abord, elle est constante : contrairement au soleil qui ne brille pas tout le temps, le nucléaire fonctionne jour et nuit, tous les jours de l'année. Ensuite, comparée aux énergies comme le charbon ou le pétrole, elle est plus économique sur le long terme. Ces points forts rendent l'énergie nucléaire très attractive pour les pays qui cherchent à sécuriser leur approvisionnement en énergie et à développer leur économie.

S : Pourquoi, le Burkina doit-il disposer de cette source d'énergie à court, moyen ou long terme ?

G.O. : Le Burkina a besoin de cette source d'énergie pour dynamiser son secteur industriel. Pour concrétiser notre vision d'industrialisation, il est essentiel de disposer d'une source d'énergie fiable, disponible à tout moment. L'énergie nucléaire, éprouvée mondialement, se présente comme une solution durable et robuste, capable de répondre à nos besoins d'industrialisation sur le long terme et de réduire les coupures d'électricité à court terme. En outre, le nucléaire offre la possibilité de produire des isotopes pour les équipements médicaux tels que les IRM et les scanners, démontrant ainsi sa polyvalence et son importance stratégique pour le développement du pays.

S : Quand on parle du nucléaire l'on se rappelle les accidents de Fukushima et Tchernobyl, qui ont fait beaucoup de morts. Est-ce que pour un pays comme le Burkina, il y a lieu de s'inquiéter quand on connaît les origines de ces accidents ?

G.O. : Il est naturel de s'interroger à la suite de tels événements. Toutefois, il est important de souligner que des mesures rigoureuses sont désormais en place pour réduire considérablement les risques liés à l'énergie nucléaire. En collaboration avec l'Agence internationale de l'énergie atomique, nous suivons des protocoles stricts et obtenons les certifications nécessaires pour sécuriser l'utilisation du nucléaire. Les incidents majeurs du passé étaient souvent le résultat de phénomènes climatiques extrêmes, comme des séismes, des conditions que le Burkina Faso ne rencontre pas. Par conséquent, avec les avancées technologiques et une gestion rigoureuse, les risques sont nettement minimisés pour notre pays.

S : Quel pourrait être l'apport des experts locaux notamment des Burkinabè dans un tel projet ?

G.O. : L'implication des experts locaux est cruciale pour l'autonomie et la sécurité du projet. Les temps où nous dépendions entièrement de l'expertise étrangère sont révolus. Avec le nucléaire, qui nécessite une multitude de compétences spécialisées à travers différentes phases, la formation et l'intégration de nos experts dans le processus sont essentielles. Ils doivent collaborer étroitement avec les équipes internationales, non seulement pour les études préliminaires mais aussi pour le suivi de toute la construction. Cela garantit que nous restons maîtres de notre infrastructure, réduisant les risques liés à une potentielle détérioration des relations internationales et à d'autres formes de vulnérabilités. Il est donc impératif d'investir dans le développement des compétences locales dès l'étape de faisabilité jusqu'à la mise en opération de la centrale.

S : Concrètement, quelle plus-value pouvez-vous donner à un tel projet ?

G.O. : Mon expertise en génie civil nucléaire, spécifiquement dans l'étude de constructibilité, me permet d'apporter une contribution significative à la planification et à la réalisation de projets nucléaires. Ayant une connaissance approfondie des normes internationales et des meilleures pratiques dans la construction et la déconstruction des installations nucléaires, je suis en mesure d'identifier des solutions optimales qui allient sécurité, efficacité et respect de l'environnement. Ma compréhension des défis techniques et réglementaires propres au secteur nucléaire enrichira le projet, garantissant une mise en oeuvre conforme aux exigences internationales les plus strictes, tout en tenant compte des spécificités locales. Cette approche intégrée assure que les projets non seulement respectent les standards de sécurité globaux mais sont aussi adaptés au contexte spécifique du Burkina Faso.

S : Actuellement, le ministre en charge de l'énergie séjourne à Sotchi en Russie. Il a annoncé la signature d'une feuille de route pour la construction d'une centrale nucléaire au Burkina. Comment appréciez-vous déjà cette annonce ?

G. O. : Je vois cette annonce comme une progression majeure. Cela représente une avancée significative, passant d'un simple accord préliminaire à une feuille de route concrète. Cet engagement témoigne d'un cheminement réfléchi vers la réalisation d'une centrale nucléaire, marquant une étape cruciale dans le développement de notre infrastructure énergétique nationale.

S : Après la signature de cette feuille de route comment le pays doit-il s'y prendre pour la concrétisation du projet ?

G. O. : Il est essentiel que le Burkina Faso mobilise et implique des experts locaux de diverses disciplines, allant des physiciens et mathématiciens aux ingénieurs civils, électriciens et spécialistes de l'énergie, dans chaque phase du projet. Cette collaboration multidisciplinaire garantira que le projet soit mené avec l'expertise et la rigueur nécessaires à sa réussite, en veillant à ce que toutes les étapes, de la planification initiale jusqu'à l'achèvement, bénéficient de l'apport de connaissances spécialisées locales.

S : Comment pouvez-vous contribuer à la réalisation de ce projet majeur pour le Burkina ?

G.O. : Je considère que notre pays, actuellement en plein essor, nécessite la mobilisation de toutes les compétences burkinabè, tant locales qu'expatriées, pour réaliser ses ambitions de développement. Mon expérience internationale en génie civil nucléaire, acquise sur des projets en France, aux Emirats Arabes Unis, en Egypte et aux Etats-Unis, me place dans une position idéale pour apporter ma pierre à l'édifice. Mon expertise ne se limite pas à ma seule contribution ; elle vise également à encourager et à intégrer le savoir-faire de notre diaspora dans ce projet d'envergure, afin d'assurer le succès et la durabilité de notre centrale nucléaire.

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