Malgré l'intensification de la lutte contre la coupe illicite de bois de rose dans l'arrondissement de Kataba1, département de Bignona, les trafiquants continuent le pillage des forêts. Toutefois, l'Association d'appui aux initiatives de paix et de développement (Asapid) et des populations ne baissent pas la garde. Elles travaillent pour la régénération de ces dites forêts pour atténuer les dégâts climatiques.
BIGNONA - Au fur et à mesure que l'on quitte le centre de la commune de Kataba1, en direction de Séléty, nous remarquons l'atmosphère grisâtre qui prédomine dans le ciel de Diouloulou. Il est 11 heures ce vendredi 2 février. Le vent qui souffle sur cette partie, nord du département de Bignona, frontalière avec la Gambie, est chaud et sec. Sur les abords d'une piste rouge qui conduit à la lisière de cette limite, de gros troncs d'arbres sont brûlés. Brusquement, un tourbillon traverse ce sentier cahoteux soulevant très haut les feuilles mortes carbonisées par les flammes. Quelques jours plus tôt, un feu, en provenance du village de Courame, avait ravagé plus d'une vingtaine de kilomètres de forêt. Difficile d'en connaître les auteurs.
Cependant, les chasseurs, les apiculteurs voire les exploitants forestiers ne sont pas exempts de reproches. « Chaque année, c'est la même chose. Et la plupart du temps, ce sont les coupeurs de troncs d'arbres qui mettent le feu pour avoir plus de visibilité », déplore Paul Habib Sagna, président de l'Association de l'appui aux initiatives de paix et de développement (Asapid) qui intervient dans le développement économique et social dans la zone frontière.
Un peu plus loin, autour d'un buisson dépourvu de feuilles, une carcasse de camion-grue, une véritable ferraille, est abandonnée par des trafiquants de bois.
Selon Lamine Thiané, membre de l'Asapid, ces derniers, appréhendés par l'armée sénégalaise, qui patrouille dans la zone, dans le cadre des opérations de lutte contre les criminels forestiers, ont refusé d'obtempérer. « Les militaires ont ouvert le feu en sommation, le chauffeur a pris ses jambes à son cou avec ses acolytes, ils ont disparu », rapporte Lamine Thiané, indiquant, en même temps, les pistes tracées par les camions afin de convaincre sur l'ampleur de ce trafic néfaste pour la forêt de la localité et ses environs. Quelques mètres plus loin, de gros troncs découpés en morceau jonchent le sol. Il s'agit de bois de rose comme en témoignent la qualité et la solidité. Ici, les pilleurs n'ont pas réussi à échapper à la vigilance des forces de défense et de sécurité. Leur camion-grue est aussi réduit en cendre. C'est le même décor tout le long de cette piste.
Depuis 2022, cinq camions transportant illégalement du bois ont été détruits par les forces de sécurité dans cette partie de la frontalière. Mais, malgré les camions calcinés pour dissuader les auteurs, les lois votées à l'Assemblée nationale sanctionnant tout individu pris dans cette activité illicite, « les gens continuent », fait remarquer Jean Sagna, conseiller technique de l'Association de l'appui aux initiatives de paix et de développement (Asapid).
Le trafic de bois en Casamance a véritablement éclaté en 2010. Les combattants du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc) ont profité du conflit pour procéder à une coupe abusive des arbres pour financer les activités liées à la guerre. « C'est ensuite devenu une quête de l'argent facile, difficile à arrêter », explique Amidou Badji, secrétaire général de l'Asapid. Pour lui, les responsabilités sont partagées. Il accuse, des Chinois et des Gambiens d'avoir pillé une bonne partie de la forêt casamançaise. « Ils sont les premiers responsables de cette mafia », a lancé M. Badji. « À l'intérieur de la Gambie, avant d'arriver à Birkama, des hangars de bois de la Casamance jalonnent le long de la route », informe M. Badji.
19 forêts communautaires créées
La coupe abusive de bois opérée dans la forêt a fait reculer la pluviométrie et augmenter la chaleur dans plusieurs localités de la Casamance. Avec le départ des agents du service des Eaux et Forêt à Katab1, dans le département de Bignona, des coupeurs ont pris d'assaut la forêt de cette localité. « Nous l'avons répété à plusieurs reprises, la disparition des arbres va provoquer un changement climatique », indique Paul Habib Sagna, président de l'Association d'appui aux initiatives de paix et de développement (Asapid).
« Pendant l'hivernage, plusieurs toitures sont arrachées par les vents dans les villages. Les puits sont aussi abandonnés à cause du goût saumâtre de l'eau », regrette M. Sagna qui a promis de poursuivre la bataille pour que cette activité de coupe cesse. À travers leur association, ils ont aidé les communautés à mettre en place des forêts communautaires. « Au total, 19 forêts communautaires ont été créées à travers les plantations d'arbres, dans le département de Bignona. Elles s'étendent à plus de 100 hectares de superficie », souligne Paul Habib Sagna.
D'après lui, les espèces plantées sont choisies par les villageois. Pour la protection de ces nouvelles forêts, l'Asapid encadre les autochtones à mettre en place un certain nombre de règles, notamment les sanctions. C'est pour éviter les pillages des forêts que cette stratégie de reforestation a été mise en place. « Avec cette nouvelle forêt, les vents vont baisser en intensité d'ici à quelques années », rassure Mamadou Coly, membre de l'Asapid, qui a fait savoir que certains chefs de famille se sont rapprochés de cette association pour mettre en place des forêts familiales. C'est aussi une anticipation face à l'habitat qui avale des domaines importants réservés à la faune et à la flore.