Proclamés le 27 mars dernier, soit trois jours après la tenue du scrutin, les résultats finaux de la présidentielle du 24 mars dernier au Sénégal, confirment la victoire de l'opposant Bassirou Diomaye Faye. Avec 54,28% des suffrages, il devance de loin le candidat du pouvoir, l'ex- Premier ministre Amadou Ba qui a recueilli 35,79% des voix. Suit en troisième position, Aliou Mamadou Dia du Parti de l'unité et du rassemblement (PUR), crédité de 2,8% des votes. Les quatorze autres candidats ont récolté des miettes qui se chiffrent à moins de 8% des voix. C'est la preuve, si besoin en était, qu'il n'y avait véritablement pas match entre Bassirou Diomaye Faye et ses concurrents qui, du reste, n'ont rien eu à redire sur l'arbitrage du peuple. Tous s'étant résolus dès le lendemain du vote, à reconnaître la victoire du candidat du PASTEF. Toujours est-il que, par souci du respect de la forme et des procédures, le Conseil constitutionnel à qui il revient le droit et le devoir de valider définitivement les résultats, a, en lieu et place des 72 heures requises, donné aux candidats jusqu'à hier minuit « au plus tard », pour d'éventuels recours.
Le Sénégal peut s'enorgueillir de ses pratiques démocratiques
Et ce, en ne manquant pas d'invoquer dans son communiqué, « les circonstances exceptionnelles » ayant entraîné « la compression de tous les délais », en référence non seulement au report, dans les conditions que l'on sait, du scrutin qui a bouleversé le calendrier initialement prévu, mais aussi à l'échéance du 2 avril prochain qui marque constitutionnellement la fin du mandat du président Macky Sall. C'est dire si c'est dans une véritable course contre la montre que le Conseil constitutionnel est engagé pour une passation de charges entre le président sortant et l'entrant dans les règles de l'art, avant l'expiration officielle du mandat de Macky Sall. Et ce ne serait pas trahir un secret de dire que sauf imprévu ou changement de dernière minute, on s'achemine vers une prestation de serment du nouveau président, le 2 avril prochain.
Comme quoi, cette démocratie à la sauce sénégalaise a quelque chose de ragoûtant. Et le président Macky Sall qui a réitéré ses félicitations à son successeur lors de son dernier Conseil des ministres, y est allé de son grain de sel en demandant aux ministres concernés de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue d'assurer une bonne préparation des dossiers de passation de charges. Tout est donc bien qui finit bien au pays de la Teranga. Et par cette dévolution pacifique du pouvoir dans les délais impartis, le Sénégal peut s'enorgueillir de ses pratiques démocratiques et montre la voie dans une Afrique en pleine mutation, tourmentée, entre autres, par les guerres, les conflits, la vie chère et le terrorisme sur fond de retour en force des coups d'Etat. En tout état de cause, avec 61,30% de taux de participation au scrutin, Bassirou Diomaye Faye a toute la légitimité nécessaire pour présider aux destinées des 18 millions de ses compatriotes. A 44 ans, il a pour lui la fougue et la force de la jeunesse mais aussi l'inexpérience de tels postes électifs.
Les Sénégalais attendent de Diomaye Faye qu'il réponde à leurs aspirations
Il lui appartient donc de savoir imprimer sa marque à la marche d'une nation qui a une réputation de stabilité à défendre et qui ne compte pas pour du beurre sur l'échiquier africain. C'est dire si de grands défis attendent le cinquième président du Sénégal à la tête de son pays. A commencer par celui de la relance économique dans un contexte de renchérissement continu du coût de la vie. Sans oublier la lancinante question du chômage qui pousse de nombreux jeunes à l'émigration clandestine avec toutes les conséquences qui vont avec. Il y a aussi les questions de la « refondation » des institutions, de la « réconciliation nationale » et de « l'allègement sensible du coût de la vie » que lui-même s'est fixées comme priorités en s'engageant à « gouverner avec humilité, dans la transparence et à combattre la corruption ».
C'est dire si passés les moments d'euphorie, le nouveau locataire du palais de la République devra rapidement redescendre sur terre où il sera confronté à la réalité du pouvoir. Toujours est-il qu'une fois la page Macky Sall tournée, ses compatriotes n'auront d'yeux que pour lui pour porter leurs espoirs. Peu importe que son élection puisse paraître un vote-sanction contre le pouvoir de Macky Sall, les Sénégalais n'attendent pas moins de lui qu'il réponde à leurs aspirations. Et il doit en prendre conscience.