Ile Maurice: La colère gronde toujours chez les familles qui ont soif de justice

Le mardi 26 mars, cela a fait trois ans que les patients sous dialyse à l'hôpital de Souillac ont été contraints de se rendre dans un hôtel du Sud pour y observer une période de quarantaine. À l'époque, la pandémie de Covid-19 avait commencé à faire des ravages, et étant donné la fragilité des patients dialysés, il était impératif de les protéger. Malheureusement, 11 d'entre eux ont perdu la bataille contre le virus et, aujourd'hui, leurs familles continuent à réclamer justice.

À l'hôpital de Souillac, mardi dernier, le temps semblait suspendu pendant quelques minutes. C'était particulièrement vrai pour la vingtaine de patients, qui ont vécu l'épisode de 2021. Louana* se remémore ce jour fatidique où près de 60 patients ont été placés en quarantaine. «Dans ma tête, je revois encore le déroulement de cette journée jusqu'à l'appel du service sanitaire m'informant que des membres du personnel ont été testés positifs au Covid-19 et que les patients devaient être isolés pour éviter toute contamination. J'ai dû agir vite et ramasser mes effets personnels en vue d'un séjour dont la durée était indéterminée.» Avec recul, elle parvient aujourd'hui à trouver quelques aspects humoristiques à cette expérience. «On se souvient de nos conversations à partir de nos balcons respectifs. Nous nous racontions des histoires pour échapper à l'épreuve que nous traversions, d'autant plus que nous étions coupés de tout.»*

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Elle évoque avec appréhension les moments importants de son séjour, notamment 18 heures chaque jour. «C'est l'heure à laquelle nous recevions les résultats des tests PCR réalisés à six heures du matin. Quand vous voyez les infirmiers en combinaisons blanches, les 'ti bolom blan' comme on les appelait, se diriger vers votre couloir, vous savez qu'il y a une personne positive à proximité.» Malgré tout, Louana tient à rendre hommage à tous ceux qui ont livré la bataille contre le Covid-19. «Certains ont suivi des séances de dialyse pendant 15 ans, sept ans, voire quelques mois seulement. Ils ont tous fait preuve de courage car il faut être fort pour subir la dialyse. Cela bouleverse complètement votre quotidien.»

À présent, la plupart des personnes qui suivent ces sessions de dialyse sont nouvelles. «Pourtant, après avoir suivi trois sessions de quatre heures avec ces personnes, elles deviennent comme des membres de votre famille.» Son souhait aujourd'hui est que l'unité de transplantation soit mise en place au plus vite. «Je souhaite vivement que le Dr Fatehmamode commence rapidement les transplantations rénales. Le temps passe et il est crucial de donner une chance aux personnes ayant un donneur compatible de subir cette opération dans les plus brefs délais.» Elle fait également appel à la compréhension des Mauriciens pour qu'ils acceptent de donner les organes encore sains de leurs proches décédés tragiquement car ils peuvent sauver des vies.

Pour Kevin Hanzary, le beau-fils de Mahadev Jeebun, décédé le 11 avril 2021 à l'hôpital de Souillac, c'est comme revivre un film tragique. «Je me souviens encore de ce curry de poisson corne que nous avons partagé à midi ce 26 mars», se remémore-t-il. «Personne n'aurait pu imaginer que ce serait notre dernier repas ensemble. Je le vois encore monter dans ce van surchargé à 17 h 50, échangeant une dernière poignée de main... »

Kevin Hanzary a perdu tout espoir dans les manifestations pacifiques ou les grèves de la faim pour résoudre la situation dans laquelle se trouvent les familles endeuillées. «Nous avons écrit au Premier ministre mais jamais nous n'avons reçu, ne seraitce, qu'un accusé de réception. Le ministre de la Santé n'a pas daigné lever le petit doigt pour nous aider.»

Bien qu'il reconnaisse que la Renal Disease Patient's Association tente de faire éclater la vérité, la situation reste compliquée. «Tout ce que nous voulons, c'est que la justice prévale.» Il reste perplexe quant à la soudaine disparition de son beau-père, qui pouvait parcourir entre 1,5 et 2 kilomètres à la nage malgré ses problèmes rénaux. «Il jouissait d'une bonne santé malgré tout», insiste-t-il. Il se demande encore pourquoi les différentes commissions devant lesquelles lui et sa famille ont témoigné n'ont jamais abouti. «Je me demande si les manifestations servent à quelque chose...»

Cette année, la marche pacifique est prévue pour le 13 avril afin que tous se souviennent de l'épisode tragique survenu en 2021. Pour le secrétaire de la Renal Disease Patient's Association, Bose Soonarane, il est essentiel de continuer à faire entendre sa voix et de réclamer justice. «Trois ans d'attente, c'est trois ans de trop. Des enquêtes ont été menées mais à ce jour, nous ignorons les conclusions.»

Il précise que l'association n'est pas en conflit avec le ministère, contrairement à ce que certains pensent. «Nous sommes des partenaires. Nous sommes là pour signaler lorsque quelque chose ne fonctionne pas. Nous sommes également un garde-fou pour les patients. Il n'est pas normal que les plaintes des patients ne soient pas prises en compte mais dès que l'association les porte à l'attention des autorités, le problème est résolu.» Selon lui, il est crucial que le ministre écoute les plaintes et agisse rapidement. «Et s'il y a des enquêtes à mener, qu'il les lance, comme dans le cas des 11 patients dialysés décédés. Ce n'est pas aux familles de demander que cela soit fait.»

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