Congo-Brazzaville: Shadi Roxanne Kaya Nzusi - « Il n'y a rien de plus laid qu'un meuble dont les finitions ne sont pas terminées »

interview

Artiste menuisière, designer et décoratrice d'intérieur, actionnaire à Wenger (atelier de menuiserie) dans le cinquième arrondissement de Brazzaville, Ouenzé, où elle est formatrice, Shadi Roxanne Kaya Nzusi est aussi propriétaire de l'atelier Nzous SI, au Plateau de 15 ans. 26 ans mais paraît en avoir 16, Shadi Roxanne Kaya Nzusi nous parle de la menuiserie, secteur majoritairement masculin où elle s'est forgée une place de choix parmi ses collègues. Entretien.

La menuiserie, vocation familiale ou tout simplement un coup de coeur ?

Dans la famille, personne n'est menuisier, c'est vraiment un coup de coeur. Mon aventure a commencé en 2018 quand je voyais les gens faire ce travail. J'avais comme une sorte d'attirance mais je n'osais pas me lancer à cause du regard des autres. J'ai dû me battre contre mes propres peurs et pensées et je me suis lancée corps et âme et, aujourd'hui, je ne le regrette aucunement. A mes débuts, je me laissais guider par mes formateurs et, au fil des ans, j'ai pu m'approprier la connaissance et dompter les matériaux. Je laisse libre cours à mon imagination et développe mon propre style.

Qu'apportez-vous de nouveau à ce secteur ?

En premier, j'apporte ma touche de féminité, de la légèreté dans les designs. On ne doit pas rester dans la conformité, il faut oser faire des nouvelles choses, belles, évidemment fonctionnelles tout en apportant de la fraîcheur dans le design et les finitions car il n'y a rien de plus laid qu'un meuble dont les finitions ne sont pas terminées. Pour ma part, je me suis spécialisée dans le modulaire car, c'est rare de trouver sur la place de Brazzaville des meubles modelables. J'apporte donc une touche spéciale où je mélange le bois et les lianes et le rendu est vraiment unique.

Concrètement, en quoi consiste votre travail ?

Je fais de la menuiserie, la décoration intérieure, de l'insertion. En gros, je passe de la fabrication des meubles à leur installation en fonction de la décoration de la pièce. Cela nécessite, certes, de l'imagination mais aussi des bonnes notions en décoration d'intérieur.

De toutes ces trois disciplines, dans laquelle vous vous sentez le plus proche ?

Toutes ces trois branches m'intéressent, mais j'avoue que j'ai un penchant pour l'ébénisterie car je ne peux pas faire 24 heures sans toucher au bois. Mais je m'épanouis tout autant dans une pièce quand je fais de la décoration, c'est toujours impressionnant de voir comment une pièce prend forme avec l'installation des meubles et objets de décoration.

Etes-vous nombreuses à vous orienter vers ce secteur exclusivement masculin ?

En 2018, quand j'ai commencé, il n'y avait pratiquement pas de femmes qui franchissaient le seuil de ce portail. Aujourd'hui, elles sont plusieurs à venir apprendre ici. D'ailleurs, tout à l'heure il y a un cours et on a eu quinze filles. C'est un énorme progrès par rapport aux années antérieures. Mon souhait est de voir plus de femmes et filles rejoindre la barque et qu'ensemble, nous volons ce marché des hommes.

Vos parents ont facilement accepté votre choix ?

De la comptabilité à la menuiserie, cela n'a pas été facile pour mon père qui a payé mes cours, mais je crois qu'il avait surtout peur du milieu dans lequel je travaillais qui était majoritairement masculin. Mais après quelques années de poursuites verbales et physiques des parents, ils m'ont finalement laissé faire ce que je voulais. Ma détermination m'a permis de leur tenir tête car, parfois, ils avaient été très durs. Mais je ne peux pas les en vouloir, ils le faisaient pour me protéger. Aujourd'hui, ils me soutiennent énormément et sont devenus mes premiers fans.

En tant que menuisière, arrivez-vous à vous prendre en charge ?

Mon métier paie mes factures, mes voyages, mon style vestimentaire... Pour tout vous dire, je ne dépends pas d'un homme.

Votre rituel quotidien ?

Le matin quand je me réveille, je dis à haute et intelligible voix, Shadi tu es appelée à créer des empires et à cette date j'en ai déjà deux à mon actif et j'aimerai qu'au fil du temps et dans quelques années, que je puisse avoir plusieurs de mes structures au niveau national.

Nous sommes au mois de mars, quel est votre message à l'endroit de la jeune fille congolaise ?

Je demande aux femmes et notamment les jeunes filles de rester fortes, d'avoir la tête sur les épaules et de croire en leur rêve, de ne pas se déterminer en fonction des dires et regards des autres. En ce qui concerne mon travail, si les filles avaient beaucoup plus d'information sur la menuiserie, je pense qu'elles seraient nombreuses à s'orienter vers ce métier d'avenir. J'ai eu la bonne information mais je me suis mise certaines barrières avant de comprendre que j'étais mon propre frein.

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