Loin de la norme internationale qui est de 45 élèves par classe au maximum, les écoles élémentaires publiques sénégalaises font face à un surpeuplement. Par endroits, les effectifs peuvent frôler la centaine, occasionnant ainsi un sérieux problème en termes d'encadrement. Un phénomène criant, notamment dans la banlieue dakaroise, et dans certaines localités du pays.
De nombreux chercheurs associent la petite taille de la classe à la qualité des enseignements-apprentissages. En effet, l'impact du surpeuplement des classes sur le rendement scolaire des élèves des écoles publiques du système éducatif préoccupe souvent les acteurs de l'école, en premier les enseignants qui tiennent ces classes. La norme indiquée, si l'on se réfère aux données de l'Unesco, est de 45 élèves au maximum par classe. Un chiffre difficile à faire observer dans des pays d'Afrique subsaharienne, dont le nôtre qui n'est pas épargné par le phénomène.
Au Sénégal, dans le cycle élémentaire, les écoles publiques de la banlieue dakaroise reçoivent des effectifs pléthoriques. Un tour effectué dans certains établissements a permis de constater, de visu, ce phénomène.
À l'école Pau 10 de Keur Massar, c'est l'heure de la récréation. Les élèves se sont réunis par affinité dans la vaste cour de l'école, bravant les rayons du soleil. Entre les arbres plantés dans l'enceinte de la cour, se dresse le drapeau national. Devant chaque classe, se trouve une poubelle. Ce qui témoigne de l'intérêt qu'accorde la direction de l'établissement à la propreté.
Juste après la récréation, par vagues, les potaches regagnent les salles de classe. Ils sont, pour la plupart, en composition pour le premier trimestre. Trouvée en salle, une enseignante, qui a voulu garder l'anonymat, lance sans hésiter : « Comme vous le voyez, j'ai des tables-bancs cassés que j'ai rassemblés pour mettre les élèves un peu à l'aise, parce qu'ils s'entassaient et se mettaient à 3 voire 4 par table ».
Elle précise qu'elle dispose, dans sa classe, d'un effectif de 77 élèves. « Ce n'est pas facile d'atteindre nos objectifs, parce que les élèves n'ont pas tous les mêmes aptitudes de compréhension. Certains sont très lents et vu le nombre, il y a facilement des élèves qui sont noyés dans le groupe », se désole-t-elle.
Certains élèves assis à même le sol
Juste à côté de sa classe, son collègue Ibrahima Dieng, s'occupe de la classe de CM1. Il gère 70 élèves répartis par 3 voire 4 par table banc. Dans la salle de classe, le décor n'est pas du tout reluisant. Faute de tables-bancs, certains élèves sont assis à même le sol, devant le tableau, tenant chacun un cahier et un stylo. La scène ne passe pas inaperçue. M. Dieng, comme sa collègue citée plus haut, embouche la même trompette. « Quand on a un effectif pléthorique, c'est très difficile de gérer la classe.
À chaque leçon d'acquisition, je donne des exercices aux élèves. Il y en a qui terminent rapidement leur devoir et d'autres avec beaucoup de difficultés », note l'enseignant. « Pour éviter le bavardage, je suis obligé de leur donner beaucoup d'exercices, en attendant que les autres finissent. C'est pourquoi, pour terminer à 13 heures, c'est tout un problème », renseigne-t-il. Selon lui, c'est dans la correction que les enseignants, qui tiennent les classes pléthoriques, éprouvent de sérieux problèmes.
D'après M. Dieng, les enseignants font recours souvent aux élèves pour accélérer les corrections. « Les élèves s'échangent les cahiers pour se corriger entre eux. Nous sommes obligés d'emmener les cahiers à la maison pour revoir le travail de chaque élève. C'est vraiment un sacrifice énorme, surtout quand on a une classe de CM2. Même les week-ends, on n'a pas de temps, soit on corrige, soit on prépare les leçons de la semaine suivante », souligne l'enseignant.
Presque pas de vie de famille
« Chaque enseignant doit évaluer ses élèves au moins 2 fois par jour. Et chaque jour, pour corriger plus de 70 cahiers, c'est tout un problème. Nous descendons à 17 heures, mais nous sommes obligés de rester à l'école jusqu'à 18 heures, voire 19 heures pour corriger la totalité des copies. On n'a presque pas une vie de famille », fait remarquer Ibrahima Dieng.
Son collègue Alimou Bâ, qui tient la classe de CM2, abonde dans le même sens. Pour lui, même avec 5 enfants à la maison, on peine à les gérer à fortiori quand il s'agit de s'occuper de plus de 70 élèves. Mme Bodian, maîtresse de CI, éprouve également des difficultés pour calmer ses 77 enfants.
Le double flux comme alternative
À l'école Yeumbeul 2, des vendeuses de cacahouètes, de beignets, entre autres produits, sont devant la porte. Ici, le mal est beaucoup plus profond. Trouvé dans son bureau, le Directeur de cette école élémentaire pointe du doigt les fiches de renseignement dressées sur le mur. Celles-ci renseignent sur la pléthore des effectifs dans son établissement. « Nous avons des effectifs qui tournent autour de 80 élèves. Et toutes les salles concernées ont été transformées en double flux pour gérer la situation », renseigne-t-il.
Dans cet établissement, la classe qui accueille le plus d'élèves en compte 102. Elle est tenue par M. Diop. « C'est trop dur d'entretenir une salle de 102 élèves. Nous sommes obligés de scinder la classe en deux cohortes. La première vient aujourd'hui et l'autre le lendemain », informe-t-il. « Le pire, on a un déficit de 2 enseignants. Ici, les encadreurs souffrent véritablement avec ces effectifs pléthoriques. Parfois, on est obligé de les soutenir moralement et pédagogiquement sur les stratégies à mener pour le bon déroulement des enseignements-apprentissages », renseigne le Directeur d'école.
« Le Ministère nous autorise à faire des cours en double flux. Si la classe fait plus de 80 élèves, il y aura une cohorte A et une cohorte B. L'une vient, par exemple, le lundi et l'autre le mardi », explique M. Diop. Il indique que dans les zones rurales aussi, il y a ce qu'on appelle les classes multigrades, c'est-à-dire un seul enseignant pour tenir à la fois deux classes.
Outre cet aspect, les enseignants sont confrontés, dans ces classes, à la triche. Avec ses élèves, assis par 4, l'enseignant, note qu'il est fréquent de voir des cas de tricheries dans ces conditions. A. NDIAYE (Stagiaire)